Paris : Un policier jugé pour avoir tiré sans sommation sur une voiture dans le Bois de Boulogne
PROCES•Un policier de 28 ans est jugé mardi pour avoir ouvert le feu, en avril 2019, sans sommation, sur les passagers d'une voiture qu'ils suspectaient d'un vol de sac à mainThibaut Chevillard
L'essentiel
- Un policier de la brigade anticriminalité du 16 arrondissement de Paris est jugé mardi pour avoir ouvert le feu sans sommation sur les passagers d’un véhicule que lui et ses collègues voulaient contrôler dans la nuit du 30 avril 2019.
- Il a été renvoyé en correctionnelle pour « violences volontaires avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique » sur deux personnes et « dégradations » d’un véhicule
- L’un de ces jeunes hommes, que le policier avait accusé de violences, a pour sa part été relaxé lors de son procès le 4 novembre 2019 après la diffusion des images de vidéosurveillance montrant que les policiers ne portaient aucun signe d’identification.
Les policiers qui ont contrôlé Paul et ses amis, dans la nuit du 30 avril 2019 l’ignoraient sans doute. Mais la scène, d’une grande violence, a été intégralement captée par des caméras de surveillance. La diffusion des images lors du procès de Paul, en novembre 2019, a permis au tribunal de mieux comprendre ce qu’il s’était passé dans une sombre allée du Bois-de-Boulogne, à Paris. Et à l’issue de l’audience, l’un des fonctionnaires est passé du statut de victime à celui de suspect. Agé de 28 ans, ce policier de la Bac est jugé mardi pour avoir ouvert le feu sans sommation sur le véhicule du jeune homme, sans le blesser.
Retour en arrière. Cette nuit-là, vers 2h30 du matin, les policiers apprennent qu’une prostituée s’est fait voler son sac à main. Ils décident de contrôler la voiture de Paul et de ses cinq amis, âgés de 16 à 22 ans, qui faisaient une virée nocturne dans le Bois-de-Boulogne. Alors qu’il est arrêté à un feu rouge, allée de la reine Marguerite, trois véhicules banalisés barrent la route de sa Dacia Duster. Plusieurs policiers de la brigade anticriminalité du 16e arrondissement en sortent et les pointent avec leur arme. Paul et ses copains paniquent. Ils pensent alors être attaqués par des malfaiteurs voulant les braquer, car ni brassard, ni gyrophare n’indiquent qu’il s’agit de forces de l’ordre.
Un coup de théâtre à l’audience
Paul tente de reculer et percute l’une des voitures des policiers. Alexis B, un agent de la Bac, tire alors à deux reprises, sans sommation, sur le véhicule. La balle s’est logée dans la carrosserie, à quelques centimètres seulement de la tête du conducteur. Les six occupants de la voiture sont ensuite interpellés violemment et emmenés au commissariat afin d’être placés en garde à vue. Cinq d’entre eux sont rapidement libérés sans être poursuivis pour vol, le sac recherché n’étant pas en leur possession. Paul, lui, assure n’avoir compris qu’il s’agissait de policiers qu’au moment où ils lui ont passé les menottes. Sur le coup, il pensait que ces hommes, qui le traitaient d'« enculé », voulaient voler sa voiture. S’il a reculé, c’était simplement pour leur échapper.
« Ce qui est étonnant, avec la justice, c’est que cela va assez vite pour accuser et poursuivre une victime, ça va beaucoup moins vite pour lui rendre justice. Dès le soir des faits, alors qu’il venait de se faire tirer dessus, il a été placé en garde à vue et poursuivi », explique à 20 Minutes son avocat, Me Raphaël Kempf. Sept mois plus tard, Paul est jugé pour violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique, avec arme par destination, pour avoir percuté la voiture de police. Mais la diffusion à l’audience des images captées par la caméra de surveillance va être à l’origine d’un coup de théâtre. La vidéo le prouve : aucun policier ne portait d’insigne permettant de les identifier, comme le veut pourtant la loi.
« Les conséquences psychologiques sont considérables »
Au regard de ces nouveaux éléments, Paul est relaxé. Un soulagement. Durant l’audience, le parquet annonce engager des poursuites à l’encontre des policiers. Trois ans après les faits, un des policiers, membre de la brigade anticriminalité de Boulogne, dans les Hauts-de-Seine, est jugé mardi devant la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Agé de 28 ans, Alexis B. est poursuivi pour violences volontaires commises par une personne dépositaire de l’autorité publique, et dégradation d’un véhicule. Contactée par 20 Minutes, l’avocate du policier, Me Isabelle Vigla, n’a pas donné suite à nos sollicitations.
« Mon client attend que la justice dise que le policier n’avait pas le droit de tirer sur lui. C’est l’essentiel, poursuit l’avocat de Paul, Me Kempf. Cela a eu des conséquences pour lui qui ont été extrêmement difficiles. Il a du mal à s’en remettre, trois années après, à tourner la page. Les conséquences psychologiques sont considérables. Il a besoin de passer à autre chose. »