FRAUDESept ans de prison requis pour avoir détourné des aides Covid-19

Covid-19 : Sept ans de prison requis contre un influenceur jugé pour avoir détourné des aides

FRAUDEL’influenceur, principal accusé, a touché 7,5 millions d’euros du fonds de solidarité et a pu se payer des sorties en yacht et des hôtels de luxe à Dubaï
Maïwenn Furic

M.F. avec AFP

Si l’épidémie de Covid-19 a placé de nombreux Français dans la précarité, d’autres y ont vu un moyen de s’enrichir. Et pas forcément légalement. L’accusation a requis, mercredi, sept ans de prison et 100.000 euros d’amende à l’encontre d’un influenceur soupçonné d’avoir détourné des millions d’euros d’aides Covid via les réseaux sociaux.

Paul A. alias « PA7 », qui postait en 2021 des photos de lui devant une voiture de luxe ou une piscine à Dubaï, est jugé à Paris depuis lundi avec six autres personnes, notamment pour escroquerie en bande organisée. Il a reconnu avoir mis en place un « business » à partir du printemps 2020 : remplir des demandes d’aides falsifiées au nom d’autoentrepreneurs ou d’indépendants, recrutés via sa petite notoriété numérique, tout en prenant une commission d’environ 40 % sur les subventions versées.

Le « quoi qu’il en coûte » de Macron n’était pas applicable à n’importe quoi

« Tout le monde a en tête dans cette salle d’audience la formule du président de la République : "quoi qu’il en coûte" », a déclaré la procureure Anne Proust dans son réquisitoire. « Des millions de citoyens ont entendu cette formule, mais certains, tapis, à l’affût, ont retenu qu’elle leur permettait de s’enrichir, quoi qu’il en coûte aux autres », a-t-elle appuyé.

Le fonds de solidarité, mis en place en mars 2020, visait à maintenir à flot des entreprises à l’activité ralentie voire arrêtée par le confinement. Le dispositif, qui a évolué au fil des mois, a représenté au total 40 milliards d’euros. Par souci de « rapidité », le système était basé sur un formulaire déclaratif, avec des contrôles d’abord « automatiques » puis, « a posteriori », des contrôles « physiques », dont l’un, dans les Yvelines, a mené à l’ouverture de l’enquête.

33,8 millions d’euros réclamés

Sur son compte, « PA7 », qui compte toujours 51.000 abonnés sur Snapchat, postait des « publications alléchantes, des mises en scène de sa personne censées susciter à la fois la confiance de ses followers et l’envie de ces derniers d’obtenir des fonds publics en un temps record », a décrit la procureure. Alors que le jeune homme conteste les montants avancés, la représentante du ministère public a retenu, entre mars 2020 et juillet 2021, un total de près de 700 demandes frauduleuses, pour 33,8 millions d’euros réclamés et 7,5 millions effectivement versés.

Cette dernière somme, c’est « 250 professeurs rémunérés en une année, ou un peu plus de 314 infirmières, voilà ce que représente ce que l’équipe - PA7 - a spolié », a insisté la magistrate, ajoutant que c’était aussi « à peu près un quart des fraudes détectées à ce jour », soit 30 millions selon la Cour des comptes.

Yacht, hôtels de luxe, fêtes… aux frais du fonds de solidarité

En décembre 2020, Paul A. est parti à Dubaï, où il a continué à « faire des dossiers » et où il a « flambé » l’argent de ses « commissions » évaluées à 3 millions par l’accusation : sorties en yacht, séjours en hôtel de luxe, sac, bijoux, fêtes… avant d’être interpellé en juillet 2021, rapatrié en France et placé en détention.

« Au jeune homme immature, flambeur, un peu mégalomane (…) s’ajoute un autre aspect de sa personnalité, l’arrogance (et) l’appât du gain », a estimé la procureure, jugeant que ses déclarations à l’audience n’étaient pas un « gage d’amendement ». Julien M., qui a accompagné Paul A. à Dubaï, était selon elle le « directeur général » de « l’entreprise PA7 », celui qui a notamment géré certains circuits de « décaisse » visant à blanchir l’argent. Elle a demandé six ans d’emprisonnement et 80.000 euros d’amende pour ce « primo-délinquant » de 24 ans.

A l’encontre de quatre autres prévenus, dont une femme toujours recherchée, soupçonnés d’avoir participé à l’escroquerie à divers degrés, elle a requis des peines allant de deux à quatre ans de prison, assorties selon les cas d’amendes allant jusqu’à 80.000 euros. Enfin, elle a réclamé quatre mois avec sursis à l’encontre d’un « client » de « PA7 », qui avait vu passer l’une de ses « publicités » sur Snapchat et avait reçu illégalement 20.000 euros par ce biais. Des procédures sont toujours en cours concernant les quelques centaines d’autres bénéficiaires indus. La défense doit plaider jeudi.