Ultradroite : Mis en examen pour le meurtre d’Aramburu, Loïk Le Priol jugé pour une violente agression
PROCES•Loïk Le Priol, figure de l’ultradroite, et quatre autres hommes seront jugés ce mercredi au tribunal correctionnel de Paris pour la violente agression de l’ancien président du GUD, Edouard Klein, en 2015Manon Aublanc
L'essentiel
- Loïk Le Priol, militant d’ultradroite, est jugé ce mercredi à Paris pour le passage à tabac d’Edouard Klein, un ancien responsable du GUD, le syndicat étudiant d’extrême droite Gud, en 2015.
- Quatre autres prévenus, gravitant eux aussi dans la mouvance d’ultradroite, sont jugés à ses côtés pour « violences volontaires en réunion, avec menace d’une arme et préméditation ».
- Cet ancien militaire, âgé de 27 ans, est également le principal suspect dans le meurtre de l’ex-international de rugby argentin, Federico Martin Aramburu, en mars dernier à Paris.
Les neuf vidéos publiés par Mediapart montrent une véritable séance d’humiliation. Le 8 octobre 2015, pendant de longues minutes, Edouard Klein est roué de coups, insulté, traîné au sol et forcé de se déshabiller par ses anciens camarades du GUD (Groupe union défense). La scène est filmée par Loïk Le Priol, figure de l’ultradroite, également mis en examen pour le meurtre de l’ancien joueur de rugby argentin, Federico Martin Aramburu, le 19 mars 2022 à Paris. L’ancien militaire de 27 ans sera jugé, avec quatre autres hommes, ce mercredi par le tribunal correctionnel de Paris, pour « violences volontaires en réunion, avec menace d’une arme et préméditation », à l’encontre d’Edouard Klein.
Ce soir-là, Loïk Le Priol, qui se trouve à une soirée chez Edouard Klein, demande à quatre amis de le rejoindre, dont Romain Bouvier, lui aussi mis en examen dans l’assassinat du rugbyman argentin et Logan Dijan, chef du GUD à Paris. A tour de rôle, les cinq hommes s’en prennent à leur hôte, l’assènent « de nombreux coups de pied et de poing », le menacent avec « un couteau », et l’obligent à « se déshabiller entièrement », une scène filmée entièrement par Loïk Le Priol.
Des motifs « obscurs »
Mais pourquoi un tel déchaînement de violence ? Pour le parquet de Paris, les « raisons » de ce passage à tabac « demeurent obscures ». Edouard Klein, lui-même, ne semble pas connaître les raisons de son agression. Au sol, roué de coups, il demande à ses agresseurs : « Pour quel motif ? ». « T’as trop parlé. (…) Quand on parle, on agit derrière », lui répond Loïk Le Priol, sans préciser de quoi il s’agit, avant de poursuivre l’humiliation : « T’es qu’une merde (…) C’est toi l’idole du fascisme ? C’est toi le patron du GUD ? Mais t’es personne, regarde-toi ! ». Après avoir réactivé ce syndicat étudiant d’extrême droite en 2010, Edouard Klein l’a dirigé jusqu’en 2012 avant de partir au FNJ (Front national de la jeunesse) et de passer le flambeau à Logan Dijan.
Du côté des cinq hommes, la version est tout autre. Selon Loïk Le Priol, Edouard Klein se serait vanté à plusieurs reprises pendant la soirée « d’avoir violenté des femmes ». Un différend éclate entre les deux hommes et Edouard Klein lui propose de revenir un peu plus tard dans la soirée avec ses quatre amis pour « discuter et mettre leurs différends à plat ». Malgré l’arrivée de ses comparses, l’ancien responsable du GUD continue de se vanter, raconte Le Priol, qui explique que le petit groupe n’a pas « supporté ces propos ».
Des humiliations à répétition
Pourtant l’humiliation ne s’arrête pas aux premiers coups. Après plusieurs gifles, Edouard Klein est à terre. « Allez lève-toi, assume pour une fois ! Porte tes couilles ! […] T’es un putain de Français, vas-y assume ! […] T’oses même pas te lever. […] Le peu de Français que t’avais en toi tu l’as même pas porté tes couilles », poursuit Loïk Le Priol. « Dernière chance de te lever ou bien on te fout à poil », prévient Logan Djian, qui le contraint ensuite à se déshabiller, avant d’ajouter : « Ou on te tabasse, ou tu le retires ». Edouard Klein, qui est traîné de force dans sa chambre, supplie à plusieurs reprises ses agresseurs d’arrêter.
Mais ses agresseurs font la sourde oreille. Nu, Edouard Klein est forcé de s’agenouiller. Loïk Le Priol place un couteau sous sa gorge : « Tu sais que j’en ai buté plus d’un des mecs là-bas, tu le sais ? », lance l’ancien militaire, qui a effectué des missions au Mali et à Djibouti. « Le coupe-gorge, ça va très vite, tu le sais ? […] Lâche mon couteau, sinon je te plie la main », vocifère-t-il. Les cinq hommes l’obligent à se lever et à danser la « Macarena », le menaçant le diffuser la vidéo.
Un habitué de la justice
« Traumatisé », Edouard Klein a décidé de ne pas se rendre au procès, selon son avocat, Me Léon Lef-Forster. Il lui a été reconnu douze jours d’incapacité totale de travail pour ses blessures physiques et trente jours pour le « retentissement psychologique ». « Il reste terriblement marqué », explique-t-il, ajoutant que si son client n’est pas dans une démarche de vengeance, il espère « une reconnaissance de ce qu’il a subi ». Il « veut complètement tourner la page », « y compris des engagements politiques » qui ont été les siens, ajoute-t-il.
Les cinq prévenus encourent une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende, mais certains, récidivistes, pourraient être condamnés plus lourdement. A commencer par Loïk Le Priol. Avant d’être mis en examen pour le meurtre de Federico Martin Aramburu, en avril dernier, le jeune homme avait déjà été condamné en 2017 à un an de prison avec sursis pour des violences et à quatre mois de prison avec sursis pour des violences volontaires en réunion.
Son passé au sein de l’armée risque lui aussi d’être souligné par l’accusation. Engagé dans les forces spéciales au Mali et à Djibouti entre 2013 et 2015, il a été accusé par une prostituée de l’avoir « étranglée et frappée ». Le militaire a été radié de l’armée à l’été 2015 pour son comportement violent.