Procès du crash de la Yemenia Airways : Les manœuvres « incohérentes » de l’équipage du vol IY626
AUDIENCE•Des experts aéronautiques ont analysé le comportement de l’équipage de l’avion20 Minutes avec AFP
Une « succession d’erreurs » qui n’ont « jamais été rattrapées » : au procès à Paris du crash de la Yemenia Airways, des experts aéronautiques ont décrit ce mardi les manœuvres « incohérentes » de l’équipage dans les dernières minutes du vol, à l’origine de la catastrophe.
Dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, le vol IY626 s’est abîmé à quelques kilomètres au large de Moroni, capitale des Comores, emportant la vie de 152 personnes et ne laissant qu’une seule rescapée, une adolescente de 12 ans.
Le pilotage de l’avion mis en cause
Un accident dû à la « perte de contrôle de l’avion, après la mauvaise exécution » de la manœuvre d’approche de l’aéroport et à « l’incapacité à réaliser des manœuvres d’urgence », ont conclu les différentes expertises judiciaires. « Pour nous, l’accident est dû au pilotage de l’avion », résume à la barre Michel Beyris, co-auteur, avec Eric Brodbeck, d’un des rapports.
Il y a eu une « succession d’erreurs de manipulation » qui ne sont « jamais rattrapées », résume-t-il. « C’est quelque chose qui nous choque quelque part, on a du mal à comprendre comment ça a pu se passer ». Ce soir-là, l'A310 doit atterrir lors d’une nuit sans lune, avec un vent de 30 nœuds (60 km/h), ce qui impose aux pilotes de changer de piste et de faire une « manœuvre à vue imposée », plus délicate.
Une vidéo de reconstitution des quinze dernières minutes a été réalisée à partir des enregistreurs de vol, qui se trouvaient dans les boîtes noires repêchées quelques semaines après le crash. Sur l’écran de la salle d’audience, un avion en 3D apparaît : il retrace les mouvements de l’appareil, à côté d’une carte qui trace sa position, d’un poste de pilotage virtuel et des échanges entre les pilotes.
« Confusion totale »
Les minutes défilent, l’expert livre des explications, dans la salle d’audience silencieuse. L’avion descend à 3.000 pieds, progresse d’abord face au vent, avant de faire un premier virage. « Jusque-là, la procédure était normale », relève la présidente. Cinq minutes avant l’accident, l’avion descend à 1.500 pieds, le train d’atterrissage est sorti, c’est la « configuration requise », souligne l’expert. Mais « là, il se passe quelque chose » : « il était sélectionné une altitude, mais ça part à zéro, ça part à 3.000, on se demande s’ils ne se sont pas trompés de bouton », dit-il.
L’appareil fait ensuite une « erreur de trajectoire » : le virage suivant est réalisé « 15 secondes trop tard ». Puis, « il se passe quelque chose d’improbable, c’est qu’il se met en mode descente », souligne Michel Beyris : « 600 pieds, 500 pieds, et en plus à 1.800 pieds/minute, il descend très, très vite ». A 400 pieds, une alarme retentit : « too low » – « trop bas » – et « pull up » soit « remettez les gaz ».
L’avion descend jusqu’à 200 pieds (60 mètres) avant de remonter, le train d’atterrissage est rentré, mais « les manettes des gaz » ne sont pas relancées : « du coup, il remonte, mais timidement ». Et à ce moment-là, les ailerons sont mis « à zéro », ce qui est « incompréhensible » : « l’avion ne peut faire qu’une seule chose, c’est décrocher », se désole le témoin, qui parle de « confusion totale ».
« Nombreuses fragilités »
La vidéo de la reconstitution est interrompue à quelques secondes de l’impact dans l’eau. « On va faire une suspension, que chacun puisse reprendre ses esprits », déclare la présidente Sylvie Daunis à l’intention notamment des parties civiles. Dans la salle, une trentaine de proches des victimes sont présents. Certains, très émus, sont accompagnés à l’extérieur par des bénévoles de l’association Paris aide aux victimes.
Yemenia Airways, qui employait deux pilotes yéménites, comparaît pour homicides et blessures involontaires. Elle est soupçonnée d’avoir maintenu sciemment les vols de nuit, alors que certains feux de l’aéroport de Moroni ne fonctionnaient pas et d’avoir formé de façon « insuffisante » ses pilotes.
Pour les experts, le commandant de bord était « expérimenté » et avait une « progression normale et bien notée », mais la formation de son copilote « laissait place à de nombreuses fragilités ». Aucune formation spécifique à l’aéroport de Moroni, dont la météo et les reliefs sont difficiles, n’apparaît dans leur cursus, alors que la réglementation l’imposait, ont-ils aussi relevé. Le procès doit s’achever le 2 juin.