Procès des balcons effondrés d’Angers : « C’était d’une violence extrême… » Les parents laissent éclater émotion et colère
DRAME•Le deuxième jour du procès de la catastrophe de la rue Maillé a été marqué par la douleur des familles de victimes. Et le récit, effarant, de la manière dont les quatre décès ont été annoncés par les autoritésFrédéric Brenon
L'essentiel
- Le 25 octobre 2016, le balcon d’un appartement du quatrième étage s’est écroulé lors d’une soirée étudiante.
- Dix-huit jeunes ont chuté. Quatre d’entre eux ont perdu la vie.
- Cinq professionnels impliqués dans la conception et la construction sont jugés depuis mercredi pour une durée de trois semaines et demie.
Après le terrible récit de la soirée du drame, le deuxième jour du procès des balcons effondrés d’Angers a été marqué jeudi par les prises de paroles des parents des victimes. Des témoignages émouvants qui ont bouleversé la plupart des personnes présentes à l’audience. Des paroles également dures lorsqu’il s’agit d’expliquer la manière dont ont été annoncés, par les autorités, les décès des quatre jeunes ayant succombé à l’accident de la rue Maillé, ce samedi 15 octobre 2016 à 23h.
Les parents d’Antoine Courgeon, 21 ans, décédé ce soir-là, étaient au restaurant avec les parents d’autres membres de la soirée lorsque ceux-ci ont reçu un appel annonçant que le balcon s’était effondré. « On ne comprenait pas. Ça paraissait inimaginable. On est parti précipitamment sur place. La police avait déjà fermé le périmètre. On a attendu, on n’avait aucune information. On se ruait sur les brancards qui passaient : est-ce que c’était notre enfant ou pas ? On a aperçu le maire Christophe Béchu, on l’a supplié d’aller aux nouvelles. On l’a vu ressortir, blême. On a repéré des gens qui nous regardaient bizarrement. On sentait qu’il se passait quelque chose de grave. Des gens savaient mais nous, non. »
« On nous a fait patienter avec les trois autres familles »
« Il y avait une liste des blessés transférés à l’hôpital, mais notre fils n’y était pas, poursuit le couple, en larmes. C’est comme ça qu’on a compris. On s’est effondrés, recroquevillés par terre. Puis on nous a fait rencontrer un psychologue qui était complètement à côté de la plaque. Vers 5 heures du matin, notre fils cadet, qui était au Chili, a reçu des messages de condoléances. Il a fallu lui expliquer que son frère était mort et qu’il fallait qu’il rentre. Il était tout seul pour affronter ça. »
Ce n’est que le dimanche, à 11h, au CHU d'Angers, que l’annonce officielle des décès sera faite aux parents. « On nous a fait patienter une trentaine de minutes dans une salle avec les trois autres familles. Il fallait attendre la fin de la conférence de presse ! On nous a alors annoncé tous ensemble la mort de nos enfants. Sans nous prendre à part, sans compassion, sans humanité. C’était d’une violence extrême. »
« On nous a remis un sac plein de sang »
L’incompréhension, la nuit d’attente, la liste… Eric Groud, le père de Benjamin Groud-Brisset, 23 ans, autre victime décédée, a vécu le même film d’horreur. Jusqu’à cette annonce au CHU le dimanche matin. « On a appris ça avec les autres, dans une ambiance glaciale. Puis il a fallu aller reconnaître les corps. On nous a remis un sac transparent avec les affaires de Benjamin. Le sac était plein de sang. Il était écrit dessus s’il avait été démembré ou non. Vous imaginez ? »
« C’était d’une froideur ! confirme Stéphane Courgeon, le père d’Antoine. Notre enfant était allongé sur une sorte de table d’opération. On ne voyait plus que la moitié de son visage, le reste était bandé. Après, il a fallu qu’on se débrouille. Le cercueil, le cimetière, la cérémonie… Quelle violence. »
Christophe Rondeau, papa de Mathilde et Bérénice, organisatrices de la pendaison de crémaillère et rescapées, est, lui aussi, remonté. « La manière dont a été donnée l’information, le lendemain, c’était inhumain. J’éprouve encore beaucoup de colère par rapport à ça », annonce-t-il à la barre. Avant de confier son désarroi. « Des familles ont été détruites. J’ai toujours trouvé que ma douleur était illégitime. Mes enfants étaient vivants, je n’avais pas à me plaindre », exprime-t-il, ému. « Notre vie est détruite, avait considéré un peu plus tôt Catherine Courgeon, la maman d’Antoine. Ce procès est important pour nous, mais on ne sera plus jamais heureux. »