Balcons effondrés d’Angers : L’architecte se présente comme un « homme de l’art », pas un ingénieur
PROCES•Le 15 octobre 2016, quatre étudiants sont morts dans l’effondrement d’un balcon à Angers. Le tribunal examine à partir de ce mercredi la responsabilité des constructeurs20 Minutes avec AFP
L'essentiel
- Cinq professionnels impliqués dans la conception et la construction sont jugés à Angers.
- La première journée du procès a été consacrée à l’examen de leur parcours professionnel.
L’architecte de la résidence Le Surcouf à Angers (Maine-et-Loire), dont le balcon s’est effondré en 2016 tuant quatre étudiants, a rejeté ce mercredi toute implication dans la conception technique du bâtiment. Au premier jour de ce long procès, l’homme et les quatre autres prévenus au casier judiciaire vierge, acteurs-clés de la chaîne de construction du bâtiment, ont d’abord retracé leur parcours professionnel.
Diplômé des Beaux-Arts de Paris et de l’université Columbia, l’architecte Frédéric Rolland, 66 ans, s’est présenté comme un « homme de l’art », tourné « exclusivement sur la recherche de la création d’un concept ». « Un architecte ne sera jamais un ingénieur ni un calculateur. A aucun moment je ne fais de calcul de dalles et de ferraillage », a spécifié celui qui était pourtant maître d’œuvre du chantier, expliquant s’être formé « avec l’expérience » au suivi de chantier. Au moment du drame, Frédéric Rolland était occupé par la création d’un cabinet à Shanghai. « On demeure interdit de l’entendre dire que, depuis des années, il n’exerce son métier que pour l’esthétique alors même qu’il devrait le faire pour la sécurité, a réagi après l’audience Me Louis-René Penneau, avocat de 32 parties civiles. On est un peu choqués. »
« Je ne peux pas oublier 2016 »
Le constructeur Patrick Bonnel, 72 ans, ancien gérant de l’entreprise familiale qui porte son nom, est, lui, titulaire d’un BTS de conducteur de travaux. « Mon père m’a demandé de rejoindre l’entreprise en 1976, j’ai pris le train en marche », a-t-il expliqué. Egalement mis en cause, le conducteur de travaux Eric Morand, 53 ans, père de six enfants, est entré chez Bonnel en 1994. « Je ne peux pas oublier 2016, a-t-il confié à la barre. J’ai une fille née en 2016 qui est polyhandicapée, donc je peux pas oublier 2016 »
Interrogé sur ses qualifications, le chef de chantier Jean-Marcel Moreau, retraité de 63 ans, a indiqué n’avoir aucun diplôme, ayant appris son métier « sur le tas » chez Bonnel, à l’âge de 18 ans, après avoir travaillé à la ferme. André de Douvian, 84 ans, ancien ingénieur en travaux publics, a effectué les trois quarts de sa carrière dans le privé avant de rejoindre l’Apave, un bureau de contrôle technique.
Les constructeurs incriminés
Dans leurs conclusions, les enquêteurs avaient écarté la responsabilité des invités qui se trouvaient sur le balcon et l’hypothèse d’un défaut d’entretien du syndic. En revanche, ils ont incriminé sévèrement les constructeurs : béton gorgé d’eau, supervision désinvolte du chantier, arrangements avec les règles de construction, mauvais positionnement des armatures en acier… Surtout, les balcons qui devaient initialement être préfabriqués en usine ont finalement été coulés sur place sans que de nouveaux plans soient réalisés.
Au total, 83 personnes se sont constituées parties civiles. Durant l’instruction, Eric Morand est le seul à avoir reconnu une part de responsabilité, expliquant que le changement de mode de construction des balcons avait permis de gagner quatorze semaines sur le calendrier des travaux. Le procès doit durer jusqu’au 4 mars.