BUDGETEric Dupond-Moretti défend son bilan au ministère de la Justice

Justice : « Nous avons réparé les urgences les plus criantes… » Eric Dupond-Moretti défend son bilan

BUDGETAvant la journée d’action des professionnels de la justice prévue mercredi, le garde des Sceaux a vanté la hausse « historique » du budget de son ministère depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron
Thibaut Chevillard (avec Hélène Sergent)

Thibaut Chevillard (avec Hélène Sergent)

L'essentiel

  • Deux jours avant la mobilisation des professionnels de la justice, le garde des Sceaux a défendu lundi le bilan humain et budgétaire de la justice sous le quinquennat Macron.
  • « Je veux être jugé sur mon bilan. Pas sur celui de mes prédécesseurs », a plaidé Eric Dupond-Moretti ce lundi lors d'une conférence de presse, soulignant la hausse « historique » du budget de son ministère depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron.
  • Pour Ludovic Friat, secrétaire général de l’USM (Union Syndicale des Magistrats), « cette conférence de presse est de nature à mobiliser ceux qui hésitaient encore » et « ne remet absolument pas en cause notre mobilisation ».

Opération déminage place Vendôme. A l’avant-veille d’une journée nationale de mobilisation des professionnels de la justice qui s’annonce massive, le garde des Sceaux a défendu ce lundi le bilan humain et budgétaire de la justice sous le quinquennat Macron. « Lorsque nous sommes arrivés, la justice était en état d’urgence absolue, assure Eric Dupond-Moretti. Nous avons réparé les urgences les plus criantes. » S’appuyant sur des graphiques et de nombreux chiffres, le ministre a d’abord taclé « les renoncements et les abandons des décennies passées », et de nouveau vanté un budget « historique » pour la justice depuis sa nomination place Vendôme.

« Je veux être jugé sur mon bilan. Pas sur celui de mes prédécesseurs. » Le garde des Sceaux souligne que « les trois budgets les moins importants du ministère sont ceux de 2014, 2015 et 2016 », c’est-à-dire lorsque son fauteuil était occupé par Christiane Taubira. Alors qu’en 2022, le budget sera de 8,9 milliards d’euros contre 6,8 milliards d’euros en 2017, soit « une augmentation de plus de 30 % sur ce quinquennat », martèle Eric Dupond-Moretti. Concernant le budget des services judiciaires à proprement parler, pour le fonctionnement des tribunaux notamment, il a connu une hausse de 18 % en cinq ans.

« Beaucoup de choses ont été faites »

« Il y avait des besoins en magistrats » qui « nécessitaient d’importantes créations d’emplois ». Leur nombre a ainsi augmenté de 8,85 % entre septembre 2017 et septembre 2021, fait valoir l’ancien pénaliste. Sur la même période, 870 greffiers ont été recrutés. Le taux de vacance de poste chez les fonctionnaires de greffe est en baisse, à près de 6 % actuellement, contre 1,39 % dans la magistrature. Le ministre reconnaît « deux points à améliorer, concernant les fonctions de juge de la liberté et de la détention et de juge des contentieux de la protection ». Les présidents des cours d’appel et les procureurs généraux seront interrogés « dès cette semaine » pour faire remonter leurs besoins en magistrats. Il annonce également la pérennisation de « 1.414 contrats de trois ans », des recrutements réalisés dans le cadre de la justice de proximité.

Près de trois semaines après une tribune de magistrats et de greffiers alertant sur leur souffrance au travail et une perte de sens dans leurs missions, le ministre souhaite « mettre en place au plus tôt des psychologues dans chacune des cours d’appel, au-delà du numéro vert qui existe déjà sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur lequel nous allons davantage communiquer ». Eric Dupond-Moretti veut également instaurer « un parrainage des jeunes magistrats ». Enfin, il annonce qu’un « budget dédié et autonome » sera délégué à chacune des juridictions dans le but d’améliorer « le bien-être au travail, les conditions matérielles du quotidien ». Quant aux audiences tardives dénoncées par des magistrats, il a demandé « des éléments précis » pour « prendre d’éventuelles décisions ».

« Sous notre quinquennat, je n’hésite pas à dire que beaucoup de choses ont été faites. Qu’il s’agisse purement de budget, d’informatique ou de bureautique, la marche que nous avons dû franchir était considérable », soutient Eric Dupond-Moretti. Mais « les maux de la justice ne peuvent se résumer à la seule question des moyens », ajoute le ministre. Selon un diagnostic réalisé par l’Inspection générale de la justice, qui a calculé l’incidence de la problématique des effectifs sur l’état des dossiers non encore jugés dans les juridictions, « l’insuffisance des moyens » est à l’origine de 31,8 % des « stocks » en première instance et de 10 % des « stocks » en appel. Un « problème ancien » qui fait l’objet d’une expertise par plusieurs groupes de travail des états généraux de la justice, lancés par le gouvernement mi-octobre.

« Ça ne remet absolument pas en cause notre mobilisation »

Assurant avoir « entendu et pris en compte » l’appel à se rassembler devant les juridictions, il a toutefois dénoncé les « arrière-pensées de certains, tout comme les tentations d’instrumentalisation dans un contexte préélectoral ». Le garde des Sceaux conclut en indiquant qu’il ne se rendra pas à la manifestation parisienne organisée devant le ministère de l’Economie et des Finances. Ce qui le différencie de son collègue du ministère de l’Intérieur, qui était présent lors du rassemblement des policiers à l’appel de leurs syndicats devant l’Assemblée nationale en mai dernier.

« Cette conférence de presse est de nature à mobiliser ceux qui hésitaient encore, ça ne remet absolument pas en cause notre mobilisation », confie à 20 Minutes Ludovic Friat, secrétaire général de l’USM (Union syndicale des magistrats). « Le ministère est saisi sur la base d’une tribune qui a mobilisé les deux tiers de la profession, et on a eu droit à une réponse très technocratique du garde des Sceaux, entouré de ses deux directeurs qui produisent une avalanche de chiffres en nous disant "on ne comprend pas, on a tout bon". Ça manquait d’empathie et d’humain », juge le syndicaliste, qui dénonce « un exercice d’auto-justification et d’autosatisfaction ».