PROCES« Je suis un voleur, pas un tueur », clame un accusé au procès Knoll

Meurtre de Mireille Knoll : « Je suis un voleur, pas un tueur », clame l'un des accusés

PROCESDeux hommes sont jugés jusqu'au 10 novembre pour le meurtre de Mireille Knoll. A l’issue des investigations, le caractère antisémite du crime a été retenu
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Deux hommes, Yacine Mihoub et Alex Carrimbacus, sont jugés pour le meurtre de Mireille Knoll, une octogénaire juive âgée de 85 ans.
  • La cour a longuement entendu ce vendredi Alex Carrimbacus, 25 ans, qui reconnaît seulement le vol mais nie fermement le meurtre.
  • Alors que le caractère antisémite a été retenu, tous deux encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

A la cour d’assises, à Paris,

Huit jours de procès et toujours ce même brouillard. Lorsque l’un dit blanc, l’autre dit noir. Yacine Mihoub et Alex Carrimbacus, jugés pour le meurtre de Mireille Knoll, une octogénaire de confession juive, ne s’accordent sur rien. Que ce soit sur leur relation – le premier estime qu’ils étaient amis, le second évoque une simple connaissance – leur emploi du temps les jours précédant le meurtre ou sur les faits survenus le 23 mars 2018. L’un reconnaît avoir tenté de mettre le feu à l’appartement de Mireille Knoll, l’autre avoir volé quelques bibelots et bijoux. Mais tous deux s’accusent mutuellement d’avoir porté les onze coups de couteau. Et l’audition, ce vendredi, pendant près de cinq heures, d’Alex Carrimbacus, cheveux ras, visage fin et traits saillants, n’a pas permis de lever le voile sur les zones d’ombre.

Le jeune homme, aujourd’hui âgé de 25 ans, le reconnaît sans détour : il a volé des objets chez Mireille Knoll, avant et après son meurtre. Mais il le martèle, ce jour-là, il pensait que son ancien camarade de détention – les deux hommes se sont connus à Fleury-Mérogis en 2017 – le faisait venir pour du travail. Ne s’est-il douté de rien lorsque ce dernier a évoqué, sans plus de détails, un « plan thunes », s’étonne le président ? Selon son récit, ce n’est qu’en arrivant chez l’octogénaire que Yacine Mihoub lui fait comprendre qu’il s’agit d’un cambriolage, exhibant un manteau en fourrure et une chevalière. Pourquoi n’a-t-il pas pris la fuite, lui qui a longuement expliqué à la cour qu’il était, à l’époque des faits, dans une logique de réinsertion ? Il louvoie, affirme qu’il ne souhaitait pas voler l’octogénaire tout en reconnaissant avoir été « appâté par le gain ». Et d’insister : « Je suis un voleur, pas un tueur. Enfin, j’étais un voleur. »

« Je vois M. Mihoub donner un coup à la gorge en criant Allahou Akbar »

A l’en croire, alors qu’il fouille l’appartement, il entend le ton monter entre Yacine Mihoub, très alcoolisé, et Mireille Knoll. Tous deux se connaissent depuis des années car ils vivent dans le même immeuble. « A l’époque, je la considérais comme une grand-mère, elle en avait l’âge et le caractère », confie, en fin d’après-midi, Yacine Mihoub. Pourtant, selon son co-accusé, les échanges qui tournaient depuis son arrivée autour de la guerre d’Algérie, « des juifs, des camps de concentration » s’enveniment à l’évocation de la défunte sœur de l’accusé. « Au moment où j’arrive dans la chambre avec le déambulateur, je vois M. Mihoub donner un coup à la gorge en criant "Allahou Akbar". Il a ensuite donné plusieurs coups », jure Alex Carrimbacus. Assis dans le box à ses côtés, Yacine Mihoub peine à cacher son agacement, soupire, fait non de la tête.

Pourquoi ne s’est-il pas interposé pour sauver l’octogénaire, l’interroge le président. Ou même pris la fuite et prévenu les secours ? Le magistrat rappelle qu’ils sont restés près de quarante-cinq minutes dans l’appartement après le meurtre de Mireille Knoll. « Vu ce qu’il avait fait, j’avais peur. J’étais dépassé. Je regrette, je sais que j’aurais dû appeler les secours, les pompiers. » Droit comme un « i » dans le box, les mains jointes devant lui, il explique son comportement par la crainte que lui inspirait Yacine Mihoub, précisant que ce dernier lui avait fait croire qu’il avait été condamné pour un trafic d’armes avec des Russes, qu’il avait un « réseau ».

« Tout ce qu’il m’a dit de faire, je l’ai fait »

Selon son récit, parfois décousu, ses faits et gestes lui sont soufflés par Yacine Mihoub : c’est lui qui lui dicte le texto à envoyer à une amie pour brouiller les pistes. C’est lui encore qui lui intime l’ordre de continuer de fouiller l’appartement de Mireille Knoll. Lorsqu’il lui demande son briquet, il s’exécute. Tout comme il le suit chez sa mère après avoir quitté l’appartement de l’octogénaire : « Tout ce qu’il m’a dit de faire, je l’ai fait. » Me Sébastien Journe, l’un des avocats de la famille Knoll, s’étonne, rappelle qu’il pratiquait à l’époque le Krav Maga, le free fight et le self-défense. Loin, donc, de la posture de soumission qu’il décrit.


Le dossier sur le procès Mireille Knoll

Sous le feu des questions, Alex Carrimbacus perd parfois le calme qui le caractérise depuis l’ouverture du procès. Il répond sèchement au président qui l’interroge sur son appel à un club libertin la nuit qui a suivi le meurtre : « Je voulais me fondre dans la masse. » Il s’agace lorsque l’avocat de Yacine Mihoub, Me Charles Consigny, le met face à ses contradictions entre ses différentes auditions, à commencer par la manière dont son client tenait l’arme. « Ça ne vous arrive, jamais, vous, les trous de mémoire ? » Ce dernier sera à son tour interrogé sur les faits lundi. Tous deux encourent la réclusion criminelle à perpétuité.