Pas-de-Calais : Aux assises, « l’enfer » vécu par Laurence S., jugée pour le meurtre de son mari
PROCES•La cour d’assises du Pas-de-Calais doit juger une femme pour le meurtre de son mari violent20 Minutes avec AFP
«La dégringolade » d’une femme « brutalisée, soumise, à bout ». A l’ouverture du procès de Laurence S. pour le meurtre de son mari devant les assises du Pas-de-Calais, à Saint-Omer, la cour a retracé, mercredi, leurs 29 ans de vie commune, des « premières violences » à « l’enfer » des derniers mois.
Dès leur rencontre, « il était très autoritaire, il avait l’habitude de l’humilier. Au fil des années, ça s’est détérioré. Elle a perdu son emploi. Ils se sont endettés, ça a été la descente aux enfers », résume à la barre la mère de l’accusée, d’une voix étranglée.
« Quand je l’avais au téléphone, je savais s’il était dans la pièce. On sentait qu’elle avait peur », s’émeut la septuagénaire. « Pour moi, c’était elle où lui. Elle s’est défendue ».
« J’ai eu peur pour ma vie »
Début avril 2015, le corps de Reynald S., 49 ans, était découvert allongé sur le lit conjugal, mort depuis une quinzaine de jours et en état de putréfaction.
Sa femme Laurence, 47 ans au moment des faits, était restée cloîtrée dans l’appartement. Elle avait rapidement expliqué qu’au cours d’une violente dispute, elle avait étranglé son mari avec la rallonge du fer à repasser, alors qu’il venait d’essayer de l’étouffer avec un oreiller.
« J’ai eu peur pour ma vie » alors « j’ai pris la rallonge » et « j’ai serré », explique l’accusée. Avant d’hésiter, alors que l’enquête n’a pas permis d’identifier précisément les causes du décès : « je pense l’avoir fait (…) mais je me demande si c’est vraiment arrivé ».
« Vous aviez réussi à pousser l’oreiller et quitter le lit (…) pourquoi ne pas avoir quitté la pièce ? », demande la présidente. « Je n’avais pas le droit de partir. Je ne pouvais pas. Il m’avait dit de rester là », répond Laurence S., veste bleue sobre et cheveux courts.
« Insultant, dénigrant »
A la barre, l’enquêtrice de personnalité retrace une enfance « peu heureuse », « sous l’emprise » d’un père souvent alcoolisé, violent avec sa mère. Après des études courtes, Laurence S. est embauchée comme caissière dans un supermarché, puis rencontre son époux en 1986.
Selon ses proches et collègues, Reynald est « insultant, dénigrant », il l’isole et ne lui témoigne aucune affection. Au bout de quelques années Laurence S. a une liaison, et son mari bascule alors dans la violence physique.
Dépressif après le décès de son père, atteint de troubles bipolaires, Reynald S. est placé en invalidité en 2005. Mais le couple continue de « dépenser, faire des travaux ». Alors pour éponger les dettes, Laurence vole régulièrement son employeur, et perd son travail.
« Tout le monde soutient madame »
Timidement, Laurence S. témoigne de « sa peur » constante. « Finalement, tout le monde soutient madame », observe la présidente, y compris au sein de la famille du défunt, dont aucun membre ne s’est porté partie civile. « Si on ne peut cautionner ton geste, on le comprend », écrira même A., la sœur de Reynald à l’accusée, dans une lettre lue à l’audience.
Jeudi, la cour se penchera sur les circonstances du décès, alors que selon le rapport d’autopsie, corroboré par des analyses complémentaires, les constatations scientifiques ne sont « pas compatibles » avec une strangulation à l’aide d’un câble ou d’un lien.
Verdict vendredi.