Somme : Trente ans de prison requis contre Jacques Rançon pour le meurtre d’Isabelle Mesnage en 1986
PROCES•Les assises de la Somme délibèrent ce samedi après-midi20 Minutes avec AFP
Les « similitudes » avec ses précédents crimes font-elles de lui un « coupable » ? La cour d’assises de la Somme doit trancher ce samedi sur le cas de Jacques Rançon, contre lequel une peine de trente ans de réclusion criminelle, assortie des deux tiers de sûreté, a été requise pour le viol et le meurtre d’Isabelle Mesnage en 1986. « Dans la tête de Jacques Rançon, tout est sexuel, une sexualité violente », a lancé l’avocate générale, Anne-Laure Sandretto, lors de ses réquisitions, au cinquième et dernier jour d’un procès « éprouvant pour tout le monde », selon les mots de la défense.
Cet ancien cariste-magasinier de 61 ans avait déjà été condamné en 2018 à la réclusion à perpétuité pour les viols et meurtres de deux femmes près de la gare de Perpignan en 1997 et 1998. Il avait avoué en 2019 avoir violé Isabelle Mesnage, une informaticienne de 20 ans retrouvée morte en juillet 1986, à la lisière d’un bois près d’Amiens, l’avoir étranglée, puis avoir découpé son sexe et ses seins pour effacer son ADN. Il avait répété ses aveux devant le juge d’instruction, avant de se rétracter par courrier.
Un homme « en béton armé qui n’a aucune vibration émotionnelle »
Pendant plus d’une heure et demi, Anne-Laure Sandretto a dressé le portrait d’un homme « en béton armé qui n’a aucune vibration émotionnelle », « insondable », « taiseux » et « dangereux », passant « d’une vie banale à une vie d’horreur quand il est déchaîné par ses pulsions ». Devant un accusé impassible, la tête baissée dans son box, elle a détaillé la liste des « charges », notamment le lieu des faits, « terrain de chasse » de Jacques Rançon, proche de son domicile de l’époque, un endroit qu’il « connaît parfaitement » et où il a « déjà fait deux victimes connues ».
L’avocate générale a également relevé la « concordance » entre le moment de la disparition d’Isabelle Mesnage et un « moment de liberté pour sillonner seul à bord de son véhicule ». Quant au « mode opératoire », elle a rappelé la « similitude des blessures » infligées à Isabelle Mesnage, Moktaria Chaïb et Marie-Hélène Gonzalez, les deux victimes de Perpignan, dont les corps avaient eux aussi subi d’importantes mutilations, notamment des organes génitaux.
En délibération depuis 13 heures
Invoquant « l’étincelle d’humanité » de Jacques Rançon, la défense a appelé les jurés à « s’en tenir aux faits » et dénoncé le traitement médiatique de ce dossier qui a « orienté l’opinion publique » avant le début du procès. « On voudrait condamner Jacques Rançon sur des similitudes, des hypothèses. Or il faudrait des certitudes et non des suppositions », a lancé Me Xavier Capelet, avocat au barreau de Perpignan. Selon lui, son client a « inventé » des aveux « manifestement suggérés ». S’il avait commis ce crime, « comment peut-il se présenter à son rendez-vous sans la moindre goutte de sang sur lui ? » à 17 heures, quelques minutes après l’heure supposée des faits, a-t-il demandé.
« Les experts l’ont dit : ce n’est pas un pervers, il ne prend pas de plaisir à la souffrance de ses victimes », a-t-il ajouté, invitant les jurés à « mettre de côté les horreurs de Perpignan » pour s’en remettre à leur « intime conviction » avant que ces derniers ne se retirent pour délibérer, vers 13 heures. Selon Me Corinne Herrmann, avocate des parties civiles, la peine requise par le parquet est « déjà très lourde pour un primo-délinquant » puisqu'« il s’agirait de son premier meurtre ». « Je comprends que le parquet ne puisse pas solliciter la perpétuité », a-t-elle réagi devant la presse, rappelant que ses clients ne sont pas dans « une démarche de vengeance » mais de « souhait de justice ».