Coronavirus à Marseille : Après le tollé médiatique, la justice clémente avec les participants du carnaval de la Plaine
JUSTICE•Des peines de prison avec sursis, de travaux d’intérêt général et des relaxes ont été prononcées ce mercredi lors du procès de participants au carnaval de la Plaine à MarseilleAdrien Max
L'essentiel
- Trois jours après le carnaval de la Plaine, à Marseille, qui a sucité un tollé médiatique pour le non respect des gestes barrières, le tribunal jugeait cinq personnes en comparution immédiate.
- Le tribunal s'est montré clément en infligeant des peines de travaux d'intéret général et du sursis.
Après le tollé médiatique, le temps de la justice. Trois jours après le carnaval de la Plaine, le tribunal correctionnel de Marseille jugeait cinq personnes en comparution immédiate ce mercredi. Loin du déferlement médiatique, sur les risques pris par les participants, survenu après un tweet de la préfecture de police des Bouches-du-Rhône, dimanche.
La procureure de la République, Gaëlle Ortiz, a bien tenté d’aller sur ce terrain : « Vous avez conscience qu’il va peut-être y avoir un cluster à Marseille ? ». Een évoquant à la fois un « rassemblement secret pour un carnaval non autorisé », « une manifestation », « des émeutiers » lorsqu’il a fallu rappeler « le contexte ». Si la représentante du ministère public a requis des peines lourdes, avec souvent de la prison ferme pour des jets de projectiles ou l’incendie de mobiliers urbains, la présidente du tribunal, Paule Colombani, s’est montrée plus clémente.
Danse autour d’un feu
Marco, un Italien de 28 ans qui passe la moitié de l’année en France pour des contrats saisonniers, a été relaxé alors que le tribunal le suspectait d’avoir lancé des pierres en direction des forces de l’ordre sur la place Jean-Jaurès. Ce qu’il niait. « Comment ont-ils pu dire que c’était moi ? Je ne sais pas comment, avec toute cette fumée, il y avait des centaines de personnes habillées comme moi, de masque et de noir, déguisé pour le carnaval. Un policier m’a montré une photo, et ce n’était pas moi », a expliqué le jeune homme venu fêter le carnaval avec des amis. Son avocat avait le « vœu pieux de faire abstraction du contexte et de s’attacher uniquement aux faits ».
Etienne et Victor se sont, eux, fait interpeller près de la rue Saint-Savournin, « en train de danser autour d’un feu ». Chacun reconnaît avoir incendié "un amas de détritus" et une benne à ordure, mais pas quatre comme leur reproche le tribunal. Etienne est venu de Briançon pour fêter le carnaval entre amis, alors qu’il cherche du travail depuis l’obtention de son master en géographie. « J’étais dans l’effervescence, dans l’excitation, il y avait des feux de partout. J’avais bu toute la journée et ça faisait longtemps que je n’avais pas fait la fête. J’ai pris conscience de la bêtise que j’ai fait, c’était stupide et inconscient », a-t-il reconnu.
Militants ?
Victor a rencontré Etienne lors du carnaval, lui qui venait de la Creuse pour faire la fête avec des amis qu’il a « perdus très tôt ». Le premier a fait de la détention provisoire, à cause d’une première condamnation pour avoir été interpellé avec deux couteaux. Me Bruno, avocat d’Aix-Marseille Métropole qui s’est constituée partie civile pour la destruction des poubelles, les a qualifiés de « militants ». Les deux jeunes hommes ont réaffirmé avoir été mis au courant pas des amis « qui avaient vu les affiches dans les rues », et être venus pour faire la fête. Loin du militantisme, donc. Le tribunal a condamné Etienne à trois mois de prison avec sursis, et Victor à 90 heures de travaux d’intérêt général pour lui éviter une révocation d’un premier sursis. Ils ont été condamnés à indemniser la métropole à hauteur de 846 euros, solidairement.
Léo, 32 ans, venu de l’Aveyron pour participer à son 10e carnaval de la Plaine, était déguisé en Pétassou « un costume traditionnel occitan fait de plein de pièces de tissu ». Il lui est reproché un jet de canette sur les policiers, de la rébellion, et de s’être soustrait aux prélèvements biologiques. « Je ne me suis même pas débattu, deux ou trois agents se sont précipités sur moi et je leur ai dit "Vous êtes les plus forts, je me laisse faire". Je me suis fait humilier lors de l’interpellation. Je n’ai pas jeté de bouteille et je ne sais pas comment les policiers m’ont reconnu dans le noir, et avec plein de gens déguisés en Pétassou », a-t-il avancé. Le tribunal l’a relaxé pour les jets de projectiles mais l’a condamné à quatre mois de prison avec sursis pour la rébellion et deux mois de sursis pour s’être soustrait au prélèvement.
Laurent, 52 ans, est finalement le seul Marseillais à avoir été jugé. Il reconnaît avoir jeté une bouteille en direction des policiers. « Je me promenais sur le Vieux Port avec un ami quand on a rejoint le carnaval sur la Canebière. Il y a eu très vite des gaz lacrymogènes et je me suis échappé en lançant ma bouteille dans leur direction, mais sans jamais vouloir leur porter atteinte », a expliqué cet ancien technicien aéronautique, au chômage depuis bientôt deux ans et « dans une situation précaire ». Le tribunal l’a condamné à six mois de sursis avec une obligation de soin et de formation.