Une infirmière en « première ligne » jugée pour des violences contre des policiers lors d’une manif
PROCES•L’interpellation musclée de Farida C., infirmière en gériatrie, quelques semaines après la fin du premier confinement lors d'une manifestatio pour l'hôpital à Paris avait suscité la polémiqueCaroline Politi
L'essentiel
- Farida C. est jugée pour « outrages » et « violences sans interruption totale de travail » sur personne dépositaire de l’autorité publique.
- Cette infirmière a elle-même porté plainte contre les policiers qui ont procédé à son interpellation pour des violences lors d’une manifestation pour l’hôpital en juin.
- Le contexte de cette interpellation de cette soignante en première ligne contre le Covid-19 avait choqué l’opinion.
La scène avait suscité une intense polémique. Quelques semaines à peine après la fin de la première vague, pendant laquelle le travail des soignants a été mis en lumière, salué, applaudi même, une infirmière était interpellée sans ménagement puis maintenue au sol par plusieurs policiers en marge d’une manifestation pour la revalorisation de l’hôpital. Farida C. est jugée ce lundi devant la 29e chambre du tribunal correctionnel de Paris, notamment pour « outrages » et « violences sans interruption totale de travail » sur personne dépositaire de l’autorité publique. Des vidéos la montrent, en effet, jeter ce qui semble être des morceaux de bitume en direction des forces de l’ordre peu avant son interpellation.
En garde à vue, cette infirmière en gériatrie, exerçant à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, dans le Val-de-Marne, avait reconnu son geste, accompagné d’un doigt d’honneur, tout en affirmant n’avoir jamais cherché à atteindre les forces de l’ordre. Elle avait alors évoqué une action symbolique, dirigée contre l’Etat et non les policiers. « Même si elle assume, ma cliente est inquiète, affirme son avocat, Me Arié Alimi. Elle craint de donner une mauvaise image des soignants alors qu’elle était justement à cette manifestation pour défendre l’hôpital. » Le conseil précise néanmoins que si elle reconnaît une partie des faits qui lui sont reprochés, elle nie avoir proféré des injures à l’encontre des policiers comme cela lui est reproché ou avoir fait preuve de rébellion.
Une scène filmée sous différents angles
Les différentes vidéos de la scène, dont certaines sont devenues virales sur les réseaux sociaux, ont permis de reconstituer précisément le déroulé de cette séquence. Vers 16h50, cette femme vêtue d’une blouse blanche s’approcher d’un groupe de CRS et de policiers de la préfecture de police en faction aux abords de la place des Invalides. Elle leur fait un doigt d’honneur, s’éloigne quelques instants, ramasse des morceaux de bitume et les jette à deux reprises dans leur direction, sans qu’ils ne les atteignent. A cette heure-ci, cela fait près d’une heure que des violences ont éclaté en marge de la manifestation pour rappeler le gouvernement à ses promesses sur l’hôpital. Dans la foule, quelques blouses blanches mais également de nombreux individus tout de noir vêtus.
Quelques minutes après cette scène, les forces de l’ordre mènent une charge et très rapidement quatre fonctionnaires l’interpellent, l’un d’eux la traîne au sol sur plusieurs mètres. Le journaliste Rémy Buisine, qui a filmé la scène affirme qu’elle a été attrapée par les cheveux, les policiers, eux, indiquent avoir saisi la lanière de son sac à dos. La scène, brève et un peu floue, ne permet pas d’être catégorique sur l’une ou l’autre de ces affirmations. Rapidement, une petite dizaine de fonctionnaires encerclent la soignante pour la menotter alors qu’elle réclame sa ventoline. « On va vous mettre à l’abri des gaz, on va vous la donner », répond l’un d’eux après cinq ou six demandes.
L’infirmière a également porté plainte pour des violences auprès de l’IGPN, la police des polices. « Pour l’instant, nous n’avons aucune nouvelle de cette procédure, le parquet fait traîner pour privilégier le volet la concernant », estime son avocat. Farida C. encourt jusqu’à trois de prison et 45.000 euros d’amende.