Agent orange au Vietnam : Des multinationales, dont Bayer-Monsanto, jugées devant un tribunal français ce lundi
PROCES•Pendant la guerre du Vietnam, l’armée américaine a déversé sur les forêts des millions de litres d'« agent orange », un herbicide ultratoxique20 Minutes avec AFP
Plus d’une dizaine d’entreprises agrochimiques, dont Bayer-Monsanto, doivent comparaître, ce lundi devant le tribunal d’Evry, après la plainte d’une Franco-Vietnamienne qui s’estime victime de l'« agent orange », un herbicide ultratoxique déversé sur les forêts durant la guerre du Vietnam.
Née en 1942 dans l’Indochine française, Tran To Nga s’est engagée pendant le conflit dans le camp du Nord. Pour empêcher la progression de la guérilla communiste, en guerre contre le Sud, l’armée américaine a épandu, entre 1961 et 1971, des millions de litres d’un défoliant très toxique contenant de « l’agent orange » sur les forêts vietnamiennes et laotiennes.
Un crime « d’écocide » selon Tran To Nga
Cette dioxine a une puissance toxique « absolument phénoménale », 13 fois plus importante que les herbicides civils comme le glyphosate par exemple, rappelle Valérie Cabanes, juriste en droit international. « L’agent orange » détruit la végétation, pollue les sols, intoxique végétaux et animaux. Les conséquences sanitaires sur la population (cancers, malformations) se font encore sentir aujourd’hui. Soutenue par de nombreuses associations, Tran To Nga porte plainte en 2014 contre 14 entreprises ayant fabriqué ou commercialisé ce composé chimique dont Monsanto (racheté en 2018 par l’allemand Bayer) et le fabricant américain Dow Chemical.
A travers ce procès « historique » qui s'ouvre ce lundi au tribunal d’Evry (Essonne), la septuagénaire entend participer à la reconnaissance internationale du crime « d’écocide ». Quatre millions de personnes ont été exposées à « l’agent orange » au Vietnam, au Laos et au Cambodge, estiment les ONG qui défendent les victimes. « La reconnaissance de victimes civiles vietnamiennes créera un précédent juridique » si la responsabilité des multinationales est établie, indique Valérie Cabanes. En effet, seuls d’anciens combattants américains, australiens et coréens qui ont combattu au Vietnam ont été indemnisés lors de procès entre 1987 et 2013.
Une « extermination familiale »
Si « des recherches sont toujours en cours » pour déterminer son préjudice physique, Tran To Nga explique souffrir de pathologies « caractéristiques » d’une exposition à « l’agent orange », comme un diabète de type 2 avec une allergie à l’insuline « rarissime ». Elle a par ailleurs contracté deux tuberculoses, a été atteinte d’un cancer et une de ses filles est décédée d’une malformation cardiaque. « Ce n’est pas pour moi que je me bats », déclare Tran To Nga, mais « pour mes enfants » et « ces millions de victimes ».
Les conséquences sanitaires de cette dioxine cancérigène et teratogène, qui s’attaque au système immunitaire, se transmettent aux générations ultérieures, ce qui constitue une véritable « extermination familiale », juge Tran To Nga. Environ « 6.000 enfants naissent au Vietnam avec des malformations congénitales » par an, renchérit Valérie Cabanes.
Sollicité, Bayer explique que « l’agent orange » avait « été fabriqué sous la seule direction du gouvernement américain à des fins exclusivement militaires ». Ayant « établi les conditions de sa fabrication et déterminé quand, où et comment il a été utilisé, [le gouvernement américain] est responsable, et non les fournisseurs en temps de guerre, de son utilisation », ajoute la multinationale. La plaignante et ses conseils arguent au contraire que l’Etat américain a été dupé par ces firmes sur la toxicité de « l’agent orange ». Les plaidoiries des différentes parties se tiendront ce lundi au tribunal d’Evry, au sud de Paris.