Affaire Karachi : « Je reviendrai demain »… Edouard Balladur donne le tempo de son propre procès
PROCÈS•L’ancien Premier ministre est jugé avec François Léotard devant la Cour de justice de la RépubliqueVincent Vantighem
L'essentiel
- La Cour de justice de la République juge, jusqu’au 11 février, Édouard Balladur et François Léotard pour « complicité d’abus de bien sociaux » et « recel ».
- Vingt-cinq ans après, ils sont accusés d’avoir financé la campagne présidentielle de 1995 avec des fonds occultes prélevés sur des contrats d’armements avec le Pakistan et l’Arabie Saoudite.
- Édouard Balladur, 91 ans, a toujours nié les faits, expliquant que les versements d’espèces sur son compte de campagne provenaient de dons de particuliers.
A la Cour de justice de la République,
Assis sur sa chaise droit comme la morale, Édouard Balladur avait l’air plutôt en forme, du haut de ses 91 ans. Chaussant ses lunettes pour relire un document. Notant une phrase de la pointe de son stylo-plume griffé. Écoutant attentivement le rappel des faits. Mais peu avant 18h, alors qu’il était enfin invité à s’exprimer, l’ancien Premier ministre s’est levé, a finalement rassemblé ses affaires et a fermé le ban : « Je reviendrai demain. Et j’aurais beaucoup de choses à dire… »
En face de lui, Dominique Pauthe, le président de la Cour de justice de la République, est resté interdit quelques secondes. Il a retenté sa chance. « Vous… Vous ne voulez vraiment pas vous exprimer maintenant ? » Mais non, Édouard Balladur a répété : « Non, non, je reviendrai demain ». Fixant ainsi lui-même le planning de son propre procès pour financement occulte dans l’affaire dite de Karachi… « Son médecin estime qu’il peut assister à deux heures d’audience. Nous les avons largement dépassées », a sobrement indiqué Félix de Belloy, l’un de ses trois avocats.
Un voyage dans le temps jusqu’en 1995
Plus de vingt-cinq ans après les faits, l’ancien « ami de trente ans » de Jacques Chirac peut bien faire patienter le président Pauthe et les douze parlementaires qui l’assistent une journée de plus. Mais son attitude en dit déjà long sur la façon dont il compte répondre aux accusations qui le visent. S’il a refusé de parler du fond, il s’est tout de même permis de « suggérer » une petite chose aux magistrats : « que le conditionnel soit plus fréquemment utilisé ».
La remarque visait directement le président Pauthe, qui a passé l’après-midi à rappeler les faits qui valent à Edouard Balladur de comparaître pour « complicité d’abus de biens sociaux » devant la seule instance capable de juger les ministres pour les faits commis durant leurs mandats. Un voyage dans le temps jusqu’en 1995. Une époque où Céline Dion chantait Pour que tu m’aimes encore, où Braveheart régnait dans les salles de cinéma et le FC Nantes sur le championnat de France de football.
François Léotard préfère se défendre seul
C’est aussi l’année où la droite présentait deux candidats sur la ligne de départ de la présidentielle. Dont Édouard Balladur, accusé donc d’avoir bénéficié de rétrocommissions en marge des contrats d’armement pour financer sa campagne. De l’argent sale, en somme. Il a toujours nié les faits, arguant que les remises d’espèces sur son compte provenaient des dons effectués par les particuliers. Mais les magistrats s’interrogent sur la concomitance de ces remises avec le retrait d’espèces effectué par l'intermédiaire Ziad Takieddine à Genève.
Élégant dans un costume croisé, Edouard Balladur n’est pas le seul concerné par ces accusations. De l’autre côté du couloir, dans un simple pull noir zippé, François Léotard, son ancien ministre de la Défense, l’accompagne devant la justice. Et lui aussi a donné le ton de ce que sera sa défense. Sans avocat. « Il s’agit de mon honneur. Je le défendrai seul ! »
Dès ce mercredi donc. Son interrogatoire est en effet programmé juste après la prise de parole d’Edouard Balladur, prévue à 14h. Leur procès doit durer jusqu’au 11 février.