PROCESCinq familles bulgares jugées pour avoir créé un réseau de mendicité forcée

Toulouse : Cinq familles bulgares à la barre, accusées d’avoir transformé des compatriotes en esclaves de la mendicité

PROCESLe procès de 18 Roms de Bulgarie, accusés d’avoir contraint 33 de leurs compatriotes à faire la manche et à les exploiter, s’ouvre ce lundi pour dix jours à Toulouse après avoir été reporté pour cause de Covid-19
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • En juin 2018, la police toulousaine démantèle un réseau de mendicité forcée organisée par cinq familles Roms de Bulgarie.
  • A compter de ce lundi, 18 personnes, accusées d’exploiter 33 mendiants par la menace et la violence, sont jugées par le tribunal correctionnel de Toulouse.
  • Pour la première fois depuis le second procès AZF, en raison de la crise sanitaire et du nombre d’accusés, le tribunal correctionnel de Toulouse est délocalisé à la salle Jean-Mermoz. Il devait démarrer le 18 janvier mais avait été reporté en raison de cas positifs parmi les prévenus.

Chaque mendiant appartenait à un des clans. « On leur donnait de l’alcool, ils étaient conditionnés par la violence. Les mendiants étaient répartis sur des territoires et à l’image du deal, les carrefours se marchandaient et les mendiants pouvaient être revendus ainsi jusqu’à 500 euros », racontait en juin 2018 un enquêteur toulousain à 20 Minutes. A l’époque, après plusieurs mois d’enquête, les hommes de la sûreté départementale de Toulouse avaient démantelé un réseau international de traite d’êtres humains organisé par des mafieux Roms bulgares.

A partir de ce lundi, et durant dix jours, dix-huit d’entre eux vont être jugés par le tribunal correctionnel de Toulouse pour traite d’êtres humains commise en bande organisée et exploitation de la mendicité forcée. Des débats délocalisés, pour la première fois depuis le second procès AZF, dans la salle Jean-Mermoz, en raison des conditions sanitaires à respecter. D’autant plus que ce procès aurait dû débuter il y a quinze jours, mais en raison de cas positifs parmi les prévenus, il avait dû être reporté.

Trente-trois victimes

Tout est parti d’une plainte en mai 2017. Un homme d’origine bulgare s’est présenté au commissariat. Il a alors raconté aux policiers comment un de ses compatriotes l’avait « invité » un an plus tôt à venir en France pour faire la manche, et partager les bénéfices. Mais rapidement l’association s’est transformée en exploitation, son « hôte » lui ayant confisqué ses papiers. Quelques mois plus tard, il est revenu voir les policiers. Cette fois-là, il leur a révélé qu’en plus d’être forcé à mendier aux carrefours des avenues toulousaines, on l’avait frappé. Et il n’était pas le seul à subir ce sort « d’esclave » au sein du camp de Gabardie, à vivre dans le dénuement, tyrannisé par cinq familles originaires de Pleven.

Lors de leur intervention sur le camp, un matin de juin 2018, les enquêteurs ont trouvé 33 mendiants, parfois handicapés, la plupart attirés en France sous des prétextes fallacieux ou grâce à des promesses d’argent facile. Chacun avait des objectifs précis, les résultats étant même notés sur des petites feuilles, comme des livres de compte. Comme pour n’importe quel revendeur de drogue, le chef du clan les appelait régulièrement sur un portable bloqué, histoire de leur rappeler leurs objectifs quotidiens.

S’ils avaient le malheur de ne pas y arriver, ils étaient brutalisés, recevaient parfois des coups de couteau. Une semaine avant l’intervention des policiers, l’un d’eux s’était fait rouler dessus par une voiture. Parallèlement, les bourreaux affichaient sur les réseaux sociaux, leur « réussite » à bord de berlines de type Audi Q7 financées par l’argent gagné grâce aux mains tendues, chaque jour, aux carrefours du boulevard de Suisse, du côté de Gramont ou des Ponts-Jumeaux.

Lors de leurs auditions, les onze hommes et sept femmes qui s’apprêtent à être jugés ont nié toute responsabilité, certains évoquant la vente de ferraille pour justifier l’argent liquide et les flux financiers. « Ceux qui disent avoir été victimes ne sont pas là et ne viendront pas, on va rester sur des accusations. Mes clients les contestent, ce sont eux aussi des misérables qui ont fui la misère, la question sera de savoir s’ils ont profité de la misère d’autres », avance Alexandre Martin, l’avocat de six des accusés.