Affaire Grégory : Auditions, analyse ADN et « stylométrie»... L’enquête est-elle vraiment relancée ?
ENQUETE•Le journal « Le Parisien » a révélé, ce mercredi, que la justice avait procédé à de nouvelles auditions, trente-six ans après la mort du petit Grégory
Vincent Vantighem
L'essentiel
- Selon Le Parisien, le juge Dominique Brault a procédé début décembre à de nouvelles auditions dans l’enquête sur la mort du petit Grégory en 1984 dans les Vosges.
- En parallèle, la justice attend un rapport d’expertise en « stylométrie » afin de tenter d’identifier le corbeau. Mais de nombreux observateurs sont sceptiques à son sujet.
- De son côté, l’avocat des parents du garçonnet, Thierry Moser, réclame de nouvelles expertises ADN et espère un procès « dans deux ou trois ans ».
C’est une nouvelle illustration de la théorie de la relativité du temps, chère à Albert Einstein. Un peu plus de trente-six ans après la mort du petit Grégory, la justice a procédé début décembre à de nouvelles auditions afin de tenter de découvrir la vérité dans cette tentaculaire affaire familiale, a indiqué, ce mercredi, le procureur général de Dijon (Côte d’Or), confirmant une information du Parisien–Aujourd’hui en France.
Dans son édition du jour, le quotidien assure que l’enquête sur la mort du garçonnet de 4 ans, retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne (Vosges) est « relancée », notamment par ces récents interrogatoires. « Cela fait trente-six ans que je suis le dossier. Et cela fait trente-six ans que l’on m’annonce régulièrement que l’enquête est "relancée", persifle Gérard Welzer, avocat de Marie-Ange Laroche, la veuve de Bernard Laroche, qui a toujours été considéré comme l’un des suspects. En vrai, je ne sais pas vraiment ce qu’on peut encore relancer… »
Des auditions « de journalistes » à venir ?
Comme lui, plusieurs avocats ont appelé à la « prudence » après ces révélations sur la reprise active de l’enquête dans ce qui est considéré comme la plus grosse énigme judiciaire de ces dernières décennies. « Dans le dossier, il y a des milliers d’auditions, rappelle Stéphane Giuranna, avocat de Marcel Jacob, grand-oncle du petit Grégory. Je ne vois pas qui pourrait être interrogé encore aujourd’hui et ce que cela pourrait changer au fond. »
Dans les faits, rien n’a filtré sur l’identité des personnes qui ont été convoquées récemment par Dominique Brault, le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon, chargé de l’enquête. « En tout cas, ce n’est pas dans l’entourage de Murielle Bolle, assure son avocat, Jean-Paul Teissonnière. Nous n’avons été informés de rien. » Mais, selon Le Parisien, ce n’est pas terminé. « Des enquêteurs » ou « des journalistes » ayant travaillé sur le dossier pourraient être prochainement entendus.
Un rapport de stylométrie suisse en cause
Outre ces auditions, le journal révèle aussi que Dominique Brault attend un rapport d’expertise qui pourrait changer le cours des choses. Il s’agit d’un rapport de « stylométrie » confié à un laboratoire suisse. Travaillant sur des comparaisons de style et de syntaxe, celui-ci cherche à révéler qui pourrait être le corbeau qui a pourri la vie de la famille Villemin, à coups d’appels malveillants et de courriers insultants. Mais sur ce point aussi, la perplexité demeure.
Ce rapport a en réalité été commandé en décembre 2017. Et, selon le procureur général, il n’aurait toujours pas été remis à la justice. « Je ne comprends pas, réagit à ce sujet Stéphane Giuranna. Cette technique vise à éviter les plagiats en comparant des dizaines et des dizaines de pages. Et là, on attend qu’elle délivre le nom du corbeau en comparant des touts petits écrits… »
Selon nos informations, les experts comparent les lettres du corbeau avec des écrits (courriers, cartes postales) appartenant à cinq protagonistes du dossier : Marcel et Jacqueline Jacob, Monique et Ginette Villemin et Bernard Laroche. « La triste littérature du corbeau se prête mal à cet exercice », pense Jean-Paul Teissonnière.
D’autant que de multpiles expertises ont déjà été délivrées dans ce volumineux dossier, sans parvenir à fournir la vérité. La fameuse lettre de revendication du crime, datant du 16 octobre 1984, a été attribuée à quatre corbeaux différents, au gré des expertises. « J’espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance pauvre con ! », y était-il écrit.
L’avocat des parents Villemin espère un procès rapide
De son côté, Thierry Moser, l’avocat des parents du petit Grégory, n’a pas caché sa satisfaction de voir les choses avancer et en a profité pour révéler ses dernières demandes auprès du juge. « Nous avons soumis différentes demandes à caractère scientifique », a-t-il indiqué à l’AFP. Il pourrait s’agir de nouvelles demandes d’analyses ADN, notamment grâce à la technique de l’ADN dite « de parentèle », se basant sur une même lignée ayant un lien de parenté et non pas sur une seule et unique personne.
Ces dernières années, plusieurs analyses ADN ont été ordonnées dans ce dossier, notamment à partir des éléments découverts sur les cordelettes ayant servi à ligoter l’enfant. Mais elles n’ont jamais permis d’en apprendre davantage. Pas de quoi refroidir les espoirs de Thierry Moser : « Nous pensons que ces investigations scientifiques sont de nature à faire avancer très, très fortement le dossier, estime l’avocat. Nous sommes raisonnablement optimistes sur l’éventualité d’un procès criminel dans deux ou trois ans. » Interrogé par 20 Minutes en 2017, alors que l’enquête avait connu de nombreux rebondissements, il tenait déjà le même discours, au mot près.
« Mais oui, allons à un procès ! Allons devant une cour d’assises, réagit encore Stéphane Giuranna. On verra alors facilement qu’il n’y a pas l’ombre du début d’une preuve permettant de condamner quelqu’un pour la mort du petit Grégory. »