Affaire des écoutes : Quatre ans de prison dont deux ferme requis contre Nicolas Sarkozy
PROCES•Nicolas Sarkozy est jugé pour « corruption active » et « trafic d’influence » dans l’affaire dite « des écoutes de Paul Bismuth »Vincent Vantighem
L'essentiel
- Le procès de Nicolas Sarkozy pour « corruption active » et « trafic d’influence » s’est ouvert le 23 novembre devant la 32e chambre du tribunal judiciaire de Paris.
- Il est accusé d’avoir noué un « pacte de corruption » avec le magistrat Gilbert Azibert pour obtenir des informations sur une procédure judiciaire le concernant.
- Lundi, l’ancien chef de l’Etat a martelé qu’il n’avait « jamais trafiqué » de sa vie. Il encourt une peine de dix ans de prison et une amende d’un million d’euros.
Au tribunal judiciaire de Paris,
Comme un coup de massue. Le Parquet national financier (PNF) a requis de très lourdes peines de prison ferme à l’encontre de Nicolas Sarkozy et de ses deux coprévenus jugés, depuis le 23 novembre, dans l'affaire dite « des écoutes de Paul Bismuth ». Après plus de quatre heures d’exposé, les deux magistrats ont réclamé une peine de quatre ans de prison dont deux ans ferme à l’encontre de l’ancien chef de l’Etat, accusé de corruption et de trafic d’influence.
Des peines similaires ont été requises contre l'ancien magistrat Gilbert Azibert et contre Thierry Herzog, l'avocat historique de Nicolas Sarkozy, visé également par une interdiction d’exercer son métier pendant cinq ans. « On ne peut pas admettre qu’un ancien président oublie la République », a martelé Jean-Luc Blachon, le procureur adjoint, en guise de justification.
Sitôt l’audience suspendue, toute l’équipe de défense de l’ancien chef de l’Etat s’est longuement réunie dans un coin du prétoire. Comme sonné par ce qu’il venait d’entendre. Nicolas Sarkozy s’est alors placé au centre et a parlé à ses soutiens pendant quasiment dix minutes sans que personne ne l’interrompe. Ensuite, Jacqueline Laffont, son avocate, est sortie et s’est arrêtée quelques minutes devant les micros pour réagir. « Ces réquisitions sont en décalage total avec la réalité de cette audience. Et toutes ces accusations, nous en ferons litière très facilement lors de nos plaidoiries [qui doivent commencer mercredi] », a-t-elle assuré.
Pour le procureur, « ce procès n’est pas une vengeance »
La sévérité du PNF s’explique avant tout par le statut particulier des personnes assises sur le banc des prévenus. Et la nature des faits reprochés. « Parce qu’ils ont été commis par des hommes dont l’engagement professionnel et politique était de très haut niveau, ils ont considérablement froissé le tissu institutionnel que constitue l’état de droit, a ainsi asséné Jean-Luc Blachon. On a laissé penser que les institutions judiciaires pouvaient succomber à ceux qui ont le pouvoir et les réseaux pour l’exercer. »
Avant lui, Jean-François Bohnert, le procureur de la République financier, était descendu en personne dans le prétoire pour assurer ses magistrats de son soutien. « Ce procès n’est pas une vengeance (…) Personne ne cherche ici à se venger d’un ancien président de la République », a-t-il ainsi lâché, tout en récusant les accusations de « barbouzeries » dont son parquet fait l'objet.
« Je l’aiderai (…) Moi, je le fais monter… »
En réalité, lorsqu’on déroule le fil de ce procès, il n’y a rien de surprenant dans ces réquisitions. Dès sa prise de parole, vers 14h30, Jean-Luc Blachon avait d’ailleurs donné le ton. « Il y a quelque chose d’irréductible dans ce dossier… Il y a un pacte de corruption ! » Car c’est la thèse du parquet depuis plus de six ans maintenant. Logique donc qu’il l’assume encore aujourd’hui. Pour les parquetiers, Nicolas Sarkozy a tenté d’obtenir des informations sur une procédure judiciaire le concernant (le dossier « Bettencourt ») auprès du magistrat Gilbert Azibert, en lui promettant un « coup de pouce » pour obtenir un poste prestigieux à Monaco.
C’est Céline Guillet, la vice-procureure, qui a tenté d’en apporter la démonstration. Et bien sûr, comme c’était attendu, elle a ressorti les retranscriptions des écoutes des conversations captées sur la ligne secrète ouverte au nom de code « Paul Bismuth ». Notamment la fameuse conversation sur laquelle on entend Nicolas Sarkozy dire à propos de Gilbert Azibert : « Je l’aiderai (…) Moi, je le fais monter… » juste avant un rendez-vous téléphonique avec un haut responsable monégasque. « Cette écoute est accablante, balance-t-elle. Elle établit que cette aide rétribuerait Gilbert Azibert en remerciement de son intervention dans l’affaire Bettencourt. »
Faisceau de présomptions, contacts pas anecdotiques…
Pour en arriver là, elle n’a pas ménagé sa peine. À grand renfort de schémas colorés balancés sur l’écran de la 32e chambre du tribunal judiciaire, elle a passé l’après-midi à décortiquer toute l’histoire des « écoutes de Paul Bismuth ». Mais, avec Jean-Luc Blachon, elle sait qu’il leur manque une preuve irréfutable. On les a donc entendus parler, tour à tour, de « faisceau de présomptions », de « contacts qui ne sont pas anecdotiques » et d’accumulation « de coïncidences ».
Les avocats de la défense le savent bien. Très offensifs durant toute l’audience, ils n’ont eu de cesse de critiquer l’enquête à charge menée contre leurs clients. Et ils bouillent d’impatience à l’idée de plaider pour le démontrer. Ils en auront l’occasion, ce mercredi, à partir de 13h30. Le procès doit s’achever jeudi. La décision sera mise en délibéré.
Suivez le déroulement de l’audience sur le compte Twitter de notre journaliste : @vvantighem