Incendie de la rue Myrha : « Je me suis réveillé avec cette pulsion de détruire quelque chose »
PROCES•Thibaud Garagnon a longuement été entendu sur les faits au quatrième jour de son procès. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité
Caroline Politi
L'essentiel
- Le 2 septembre 2015, l’incendie du 4, rue Myrha a coûté la vie à huit personnes dont deux enfants.
- Depuis lundi, Thibaud Garagnon, un ancien locataire de l’immeuble est jugé par la cour d’assises.
- Il reconnaît les faits mais « accuse » ses différentes personnalités.
A la cour d’assises de Paris,
A l’entendre, ce jeudi, devant la cour d’assises de Paris, on a parfois l’impression d’entendre le témoignage d’une des victimes. « Même si j’ai provoqué l’incendie, je l’ai vécu aussi, je n’imaginais pas les proportions que ça allait prendre », insiste, dans le box des accusés, Thibaud Garagnon, 24 ans, cheveux longs attachés en queue-de-cheval, léger embonpoint et tee-shirt coloré au motif enfantin. Le 2 septembre 2015, il a volontairement mis le feu, en pleine nuit, à son immeuble de la rue Myrha, en plein cœur de la Goutte d’Or. L’incendie s’est propagé en moins de 10 minutes aux cinq étages du bâtiment, tuant huit personnes parmi lesquels deux enfants.
« Vers 4h20, je me suis réveillé avec cette pulsion de détruire quelque chose », explique-t-il d’une voix monocorde. Selon son récit, il dévale les deux étages jusqu’au rez-de-chaussée, un briquet à la main, puis met le feu au premier objet qu’il aperçoit : une poussette accrochée à la rampe d’escalier. « Je ne voyais pas vraiment de flammes, peut-être une flammèche, je suis remonté me coucher en me disant que c’était complètement stupide ce que je venais de faire. ». A l’en croire, il s’assoupit pensant le feu éteint, jusqu’à être incommodé par les fumées. Il est pourtant le premier, moins de 20 minutes plus tard, à appeler les pompiers. Les flammes se sont engouffrées dans la cage d’escalier à une vitesse telle, qu’à 4h41, deux habitants du 5e étage, pris au piège, se défenestrent sous ses yeux. Lui parvient à descendre le long de la gouttière.
Un premier incendie deux heures plus tôt
L’homme confie avoir été dépassé par son geste, n’avoir jamais voulu faire de mal à ses voisins. Deux heures auparavant, pourtant, vers 2h30 du matin, Thibaud Garagnon avait déjà sollicité les pompiers et la police après avoir lui-même mis le feu à sa boîte aux lettres. « J’étais dans une période de détresse de plus en plus profonde, j’avais besoin d’alerter », justifie-t-il, expliquant qu’il était alors en proie à une profonde dépression, causée notamment par une vie parisienne « trop agitée » à ses yeux et des « problèmes de boulot ». « Si les services de secours ou les psychologues m’avaient plus aidé, ce ne serait pas arrivé », insiste-t-il.
La présidente tique : est-ce donc la faute du corps médical ? Et pourquoi, s’il était aussi mal qu’il l’affirme, n’est-il pas allé trouver les pompiers lorsqu’ils sont venus pour l’incendie de la boite aux lettres au lieu de rester chez lui ? Thibaud Garagnon s’embrouille, évoque sa « confusion » et « l’altération » de ses facultés cette nuit-là. Pourtant, l’analyse de son ordinateur donne une toute autre version. Après le premier incendie, le jeune homme « tchat » longuement avec un ami, lui confie être persuadé que son voisin du dessus est à l’origine de cet incendie. Devant les policiers, il met à nouveau en cause son voisinage avec qui les relations sont compliquées depuis son emménagement dans l’immeuble, quatre mois auparavant. L’incendie prendrait-il son origine dans une querelle de voisinage ? Lui assure que non et justifie ses propos sur Internet par un certain laisser-aller sur les réseaux.
L’accusé et ses différentes personnalités
Contrairement aux jours précédents, Thibaud Garagnon n’a pas spontanément évoqué ses différentes personnalités – « Superbia » la colérique, « Baby fox » son moi enfantin, « Light », son double réconfortant – pour expliquer son geste. A la demande de plusieurs avocats, il précise néanmoins que ces « personnages » qu’il met en avant depuis la fin de l’instruction font partie intégrante de lui. « Quand je dis que c’est moi qui ai mis le feu, même si c’est Superbia, Superbia, c’est moi », entame-t-il, avant d’assurer que cette dernière était « dépitée » par l’incendie, « c’est très difficile pour elle, comme pour moi ou pour les familles des victimes ». Aucun des experts n’a conclu à une altération, même partielle, de sa conscience, l’un d’eux parlant d’une « utilisation opportuniste et déculpabilisante » de ces personnages. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.