Policiers agressés lors du Nouvel an 2018 : « Ils m’ont brisée », confie à la barre l’une des victimes
PROCES•Sept personnes comparaissent jusqu’à jeudi devant le tribunal correctionnel pour des violences commises contre des policiers en marge d’une soirée du Nouvel an, à Champigny-sur-MarneCaroline Politi
L'essentiel
- Trois ans après l'agression de deux policiers lors d'une soirée du Nouvel an à Champigny-sur-Marne, sept personnes sont jugées à Créteil, dont quatre doivent répondre de violences en réunion sur personne dépositaire de l'autorité publique.
- La policière est revenue sur le traumatisme qu'a engendré cette agression.
- Quatre mineurs seront jugés dans le même dossier devant le tribunal pour enfants.
Au tribunal correctionnel à Créteil,
Laurie B. n’en fait pas mystère : depuis cette soirée du nouvel an 2018 où elle et un de ses collègues ont été roués de coups lors d’une intervention à Champigny-sur-Marne, cette gardienne de la paix de 27 ans a vu sa vie changer du tout au tout. « Ils m’ont brisée, je ne suis plus celle que j’étais il y a trois ans », confie la fonctionnaire, des sanglots étranglés dans la voix, à la barre du tribunal correctionnel de Créteil. Les sept prévenus, à peine plus jeunes qu’elle, l’écoutent attentivement égréner les répercussions de son agression. Elle qui aimait sortir avec ses amis a arrêté. « J’avais peur. » Elle a quitté la région parisienne, envisagé de démissionner de la police. Encore aujourd’hui, elle a une « boule au ventre » lorsqu’elle se trouve à proximité d’une foule.
Trois prévenus comparaissent pour des violences en réunion sur personne dépositaire de l’autorité publique, deux pour non-assistance à personne en péril et deux autres pour avoir filmé et diffusé l’agression. Les images, devenues virales sur les réseaux sociaux et diffusées à plusieurs reprises par le tribunal, montrent quelques secondes d’une violence inouïe. Ce soir de la Saint-Sylvestre, les deux fonctionnaires interviennent sur des débordements en marge d’une fête organisée illégalement dans un entrepôt. La salle peut accueillir 200 personnes, plusieurs centaines souhaitent y participer. La tension monte vers minuit, des dégradations sont commises.
« J’ai rien contre l’uniforme »
A peine arrivée sur les lieux, la jeune policière, isolée de son collègue, est rouée de coups par une quinzaine de personnes alors qu’elle se trouve à terre. Certains décochent un coup de pied puis s’en vont en courant, d’autres s’acharnent. Assise à côté de son avocate, la jeune femme, cheveux au carré et silhouette frêle, détourne les yeux, essuie quelques larmes devant les images. Victime d’un traumatisme crânien, de nombreux hématomes et d’un choc psychologique, elle s’est vue prescrire 30 jours d’interruption totale de travail. Contrairement à elle, son collègue, capitaine de police, ne s’est pas constitué partie civile : les individus lui ayant cassé le nez n’ont pas été identifiés.
Tous les prévenus – dont la grande majorité affiche un casier vierge – l’assurent : ils n’ont aucun grief contre la police. « J’ai rien contre l’uniforme, depuis que je suis petit, j’ai toujours voulu m’engager dans l’armée de terre », assure Quentin D., cheveux blonds coupés courts, sweat Lacoste. Les images projetées quelques instants auparavant le montrent pourtant se déchaîner contre Laurie B. Contrairement à tous les autres prévenus, il soutient qu’il ignorait que la victime était policière, et ce, malgré l’uniforme qu’elle portait ce jour-là. « J’avais bu, je n’ai pas l’habitude », se justifie-t-il maladroitement.
« J’étais dans l’action »
A les en croire, tous ont été pris dans une spirale de violence, un engrenage induit par le chaos qui régnait autour de cette soirée. « J’étais dans le feu de l’action, je ne sais pas ce qu’il m’a pris », assure Jean-Baptiste D., veste de bûcheron sur le dos. Lui aussi, peine à expliquer au tribunal pourquoi il a décoché un coup de pied à la gardienne de la paix puis lui a volé ses menottes. Un geste d’autant plus incompréhensible aux yeux de la présidente que quelques minutes plus tôt, il est venu en aide à une jeune femme prise au milieu du mouvement de foule puis a proposé à un mineur de l’héberger. « Pourquoi faites-vous preuve de bienveillance envers eux et pas envers cette policière ? », insiste la magistrate. « Je m’excuse, je ne me l’explique pas. »
S’ils reconnaissent presque tous les faits, beaucoup cherchent à minimiser leur responsabilité. « Quinze personnes qui tapent une personne, je ne vois pas ce que j’aurai pu faire, je suis tout maigre », insiste Deami M., renvoyé pour non-assistance à personne en danger. Du bout des lèvres, il admet ne pas avoir rempli son « devoir de citoyen » tout en affirmant être « une victime collatérale » de cette affaire, la mise en examen lui ayant fait perdre un contrat comme joueur de foot dans un club suisse. C’est peut-être, ça, le plus frappant : des centaines de personnes étaient présentes, mais seuls quatre se sont sentis concernés par le sort de cette policière et sont intervenus. « Plutôt que de porter secours, vous filmez ? Si madame était morte sous vos yeux, vous auriez continué à filmer ? », s’agace la présidente face à Emmanuel, auteur de plusieurs vidéos Snapchat devenues virales. « J’ai pas réfléchi », répond ce dernier, penaud. Le procès est prévu pour durer jusqu’à jeudi.