PROCESA son procès, Sid-Ahmed Ghlam raconte sa radicalisation express

Attentat manqué de Villejuif : « Je ne pouvais pas rester indifférent… » Sid-Ahmed Ghlam raconte sa radicalisation express

PROCESJugé pour le meurtre d’Aurélie Châtelain en 2015 ainsi qu’un projet d’attentat avorté, Sid-Ahmed Ghlam a raconté ce mercredi comment il avait commencé à adhérer, en 2014, aux thèses de l’organisation Etat islamique
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Sid-Ahmed Ghlam, 29 ans, comparait depuis lundi devant la cour d’assises spéciale pour « assassinat et tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».
  • Il est accusé d’avoir tué, en avril 2015, une jeune femme de 32 ans et d’avoir projeté de commettre un attentat dans une église de Villejuif (Val-de-Marne). A ses côtés, neuf autres personnes sont jugées pour l’avoir aidé à des degrés divers.
  • Ce mercredi, il a expliqué à la présidente comment ll s’était radicalisé au cours de l’été 2014.

A la cour d’assises spéciale à Paris,

« A l’époque, j’étais dans l’idéologie. Il y avait une radicalisation. » Dans le box des accusés, Sid-Ahmed Ghlam, 29 ans, parle du jeune homme qu’il était en 2014 comme s’il s’agissait d’une autre personne. Veste marron, tee-shirt blanc avec des rayures bleu, il explique ce mercredi à la présidente Xavière Simeoni, comment cette année-là, au cours de vacances passées en Algérie, il a commencé à « parler de plus en plus » avec des amis du groupe djihadiste Etat islamique. Il s’intéressait surtout à ce « qu’ils faisaient » pour combattre Bachar al-Assad, le dictateur syrien qui « bombardait tous les jours » son peuple et le « gazait ».

A l’époque, regrette celui qui est notamment jugé par la cour d’assises spéciale pour l'assassinat d'Aurélie Châtelain, la communauté internationale « ne réagissait pas ». « Je ne pouvais pas rester indifférent », reprend-il. « Inactif vous voulez dire », corrige la magistrate. « Oui, c’est ça, poursuit Sid-Ahmed Ghlam. J’étais jeune, j’avais de l’énergie, il fallait que je la dépense. J’avais besoin de donner un sens à ma vie. » Il aurait pu rejoindre l’armée syrienne libre, ou Al-Qaïda. Mais c’est en écoutant un certain Aymen rencontré dans son pays d’enfance qu’il a décidé de rejoindre Daesh. « Pourquoi lui accordiez-vous une confiance aveugle ? » demande la présidente. « Pour moi il avait des connaissances, il s’exprimait bien. »

« Pour moi, ce n’était pas eux les terroristes »

A cette époque, l’ancien étudiant en électronique ne va plus en cours. Il passe ses journées dans son studio du 13e arrondissement de Paris à télécharger de la propagande djihadiste. « Je ne faisais rien du tout à part ça, reconnaît-il. Je regardais des vidéos de combats, des vidéos de vie sein de l’Etat islamique. » La présidente liste alors durant de longues minute les nombreux fichiers retrouvés dans un disque dur ou dans son ordinateur lors des perquisitions. Des chants djihadistes, des documents « justifiant la décapitation des mécréants à partir de textes religieux », des discours d'Abou Bakr al-Baghdadi, feu chef de Daesh…

En les consultant, il n’avait pas l’impression que les djihadistes faisaient « du mal ». « Pour moi, ce n’était pas eux les terroristes, mais les autres », assure-t-il. Mais depuis qu’il est placé en détention, il s’est remis à étudier le Coran. « Je voulais comprendre ma religion. L’erreur, c’est que je l’ai apprise à travers n’importe qui. » Sid-Ahmed Ghlam livre alors aux magistrats son analyse sur le djihad, mûrie derrière les murs de la prison de Strasbourg :

-Ça a existé à l’époque du prophète. C’était autorisé au départ. Mais un jour, j’ai compris que cela avait été abrogé et cela a été un tournant.

-C’est-à-dire ?

-Le djihad a existé. Mais dans le Coran, certains versets ont été depuis remplacés, d’autres non. L’alcool par exemple. Au départ, ce n’était pas interdit à l’époque du prophète. Et puis petit à petit, cela a été abrogé par d’autres versets. Il ne fallait pas faire la prière en étant ivre.

« Fanatisé » avant ?

A l’écouter, il ne se serait déroulé que quelques mois entre le début de sa radicalisation et le jour où il a envisagé de commettre un attentat dans une église de Villejuif (Val-de-Marne). Une version à laquelle ne croient pas les avocats des parties civiles. L’une d’entre eux lui fait remarquer que, selon un de ses amis d’enfance, il était déjà « fanatisé » et « enthousiasmé par la doctrine djihadiste » lorsqu’il est parti en Algérie. Mais Sid-Ahmed Ghlam estime qu’il faut prendre avec précaution le témoignage de cet homme, arrêté après avoir rejoint un réseau qui recrutait des combattants djihadistes. « Il y a la torture en Algérie. Il a pu dire tout et n’importe quoi. »

Le procès de Sid-Ahmed Ghlam et des sept autres personnes jugées à ses côtés (deux le sont par défaut) doit durer jusqu’au 6 novembre.