Attaque au marteau à Notre-Dame : « Si mon collègue ne tirait pas, je me prenais le second coup en pleine tête »
TERRORISME•Farid Ikken est jugé par la cour d’assises spéciale pour avoir attaqué au marteau un policier en patrouille devant Notre-Dame en juin 2017Caroline Politi
L'essentiel
- Le 6 juin 2017, Farid Ikken, ancien journaliste et traducteur, a blessé avec un marteau un policier qui patrouillait devant Notre-Dame.
- Il affirme n’avoir pas cherché à tuer mais souhaitait attirer l’attention sur la situation en Syrie et en Irak. Toutefois, sur lui, les policiers ont trouvé, outre un marteau, deux couteaux de 18 et 26 centimètres.
- Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
A la cour d’assises spéciale à Paris,
Physiquement, Mehdi ne garde aucune séquelle de ce coup de marteau porté à l’arrière de la tête ce 6 juin 2017. L’œdème crânien diagnostiqué à son arrivée aux urgences s’est résorbé sans complication, la plaie a rapidement cicatrisé. Mais devant la cour d’assises spéciale, ce jeune policier, cheveux blonds coupés en brosse et veste noire, confie qu’il n’en a pas été de même pour sa reconstruction psychologique. « Il y a toujours, dans un coin de ma tête, cette idée qu’un lâche peut me donner un coup de marteau dans le dos. » Dans le box des accusés, Farid Ikken, qui comparaît pour tentative d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste, l’écoute, impassible, inexpressif même, raconter cet après-midi où il a cru ses derniers instants venus.
« Tout s’est joué en une fraction de seconde », se remémore à la barre la victime en triturant nerveusement ses mains. Les trois policiers patrouillaient depuis près de deux heures sur le parvis de Notre-Dame, noir de monde, lorsque l’assaillant s’est jeté sur eux. De dos, Mehdi – titularisé quatre mois auparavant – a juste le temps de se recroqueviller, alerté par le hurlement de sa collègue, avant de sentir quelque chose « de lourd et de froid » l’atteindre derrière l’oreille. Ce n’est qu’une fois au sol, en entendant son agresseur crier « c’est pour la Syria » qu’il comprend la nature de l’attaque. Alors que Farid Ikken menace de le frapper à nouveau, un autre collègue riposte, touchant le terroriste au thorax. « S’il ne tirait pas, je prenais le second coup en pleine tête », estime-t-il aujourd’hui. Même blessé, l’assaillant ne semble pas prêt à capituler et continue d’avancer, crie en arabe. « Il revient à la charge pour essayer de le tuer, il n’y a pas d’autre mot », insiste son collègue, entendu en visioconférence. Mehdi parvient à se relever et tire à son tour, déstabilisant cette fois pour de bon son agresseur.
« J’ai le sentiment du devoir accompli »
Dans le box, Farid Ikken, silhouette frêle, courte barbe et cheveux en bataille, n’exprime aucun remords. Bien au contraire. « J’ai le sentiment du devoir accompli », explique sans ciller cet Algérien de 43 ans, ancien journaliste, traducteur en langue arabe et suédoise, doctorant en sciences de l’information dont la radicalisation a surpris tout son entourage. S’il reconnaît la « gravité extrême de son geste » et admet qu’il puisse « être interprété comme un acte de guerre », il préfère parler de violence « symbolique » et nie toute intention homicide. « Je ne suis pas un terroriste, ce que je fais n’est pas animé par la volonté de tuer. Je n’ai pas choisi les armes pour faire des morts, mais pour informer », précise-t-il d’une voix rocailleuse.
Les images de vidéosurveillance, diffusées en fin de matinée, montrent pourtant une attaque d’une extrême violence où l’assaillant « bondit » sur sa victime, le frappant de toutes ses forces, réarmant son bras presque aussitôt. Lors de son interpellation, les enquêteurs ont également découvert sur lui deux couteaux, l’un de 26 et l’autre de 18 centimètres. Se servant de son procès comme d’une tribune politique, l’accusé s’anime en expliquant avoir agi en réaction à l’intervention de l’armée française en Syrie et en Irak et voit dans cette attaque, un geste soutien à l’Etat islamique, dont il ne cache pas son admiration.
Cauchemars et flash-back
Si l’issue de l’attaque aurait pu être bien plus dramatique, les trois policiers confient être encore très marqués et vivre dans un état « d’hypervigilance », marqué par des cauchemars et des flash-back. Tous ont repris le travail, quelques semaines ou mois après les faits, mais seule l’une d’entre eux est restée à Paris. Les deux autres ont préféré quitter la capitale pour ne pas avoir, entre autres, à effectuer de nouvelles missions devant Notre-Dame.
Mehdi est le dernier d’entre eux à avoir repris le travail sur le terrain, il y a seulement une quinzaine de jours, après deux ans passés dans un service d’investigation, loin de sa vocation initiale. « J’essaye tout doucement de ressortir, de reprendre le cours de ma carrière. » Farid Ikken encourt la réclusion criminelle à perpétuité.