Attentats de janvier 2015 : « J’ai menti et celui qui en paiera les conséquences, c’est moi », reconnaît l’accusé Mickaël Pastor Alwatik
PROCES•L’ADN de Mickaël Pastor Alwatik, un ami d’Amedy Coulibaly, a été retrouvé sur plusieurs armes du tueur de Montrouge et de l’HypercacherHélène Sergent
L'essentiel
- Quatorze personnes sont jugées depuis le 2 septembre par la cour d’assises spéciale, soupçonnées d’avoir apporté leur aide aux frères Kouachi et à Amedy Coulibaly.
- La cour poursuit les interrogatoires des accusés présents à l’audience toute cette semaine.
- Déjà revenu à plusieurs reprises sur sa version des faits en garde à vue puis pendant l’instruction, l’ami de d’Amedy Coulibaly Mickaël Pastor Alwatik a donné une nouvelle fois à l’audience des éléments qu’il avait cachés jusqu’ici.
A la cour d’assises spéciale à Paris,
Mickaël Pastor Alwatik n’a pas tenté de faire semblant. Mains croisées dans le dos, les épaules basses, la silhouette mince, ce trentenaire présent dans le box des accusés au procès des attentats de janvier 2015 l’a reconnu d’emblée : « Si vous prenez mes déclarations en garde à vue, on sera tous d’accord pour dire que j’ai dit que de la merde. » Pour tenter d’effacer ses multiples mensonges, cet ami d’Amedy Coulibaly a offert à la cour quelques « nouveautés ».
Des précisions qu’il avait tues jusqu’ici « par peur » et aspiré dans une « spirale du mensonge ». Comme ses camarades présents dans le box, Mikaël Pastor Alwatik a nié toute participation aux projets des frères Kouachi et de Coulibaly. Son ADN identifié sur deux armes retrouvées dans l’arsenal du tueur de Montrouge et de l’Hypercacher et sur l’un de ses gants lui vaut pourtant d’encourir une peine de vingt ans de prison.
« Je voulais devenir un autre homme »
« La qualification terroriste, je la reconnais pas. J’ai jamais été dans cette idéologie-là », s’est-il défendu au tout début de son interrogatoire. Pourtant, les enquêteurs se sont longtemps interrogés sur l’engagement religieux et la radicalisation de ce jeune homme. Fils d’un père catholique et d’une mère d’origine marocaine, musulmane peu pratiquante, Mickaël Pastor Alwatik s’est « rapproché » de la religion lors de sa détention à la maison d’arrêt de Villepinte entre 2010 et 2013. Assidu dans ses prières, l’accusé explique : « C’était pour aller mieux. (…) J’essayais de changer. Je voulais laisser mes échecs à la porte de la maison d’arrêt et devenir un autre homme. »
Comme d’autres accusés, c’est en prison, à la buanderie où il travaille, que Pastor Alwatik rencontre Amedy Coulibaly. L’homme, plus âgé et plus savant que lui, lui lance des « challenges », raconte-t-il : « Je devais tenter d’apprendre certaines sourates. Et comme ses co-accusés passés par la buanderie, Pastor Alwatik dit n’avoir décelé aucune radicalisation chez le futur djihadiste. Sa demi-sœur, dont il est très proche, est de confession juive. Coulibaly le sait mais s’abstient de tout commentaire. « Je lui en parle dès le début. Mais je note aucune réaction bizarre de sa part », assure l’ami du djihadiste. À leur sortie respective, courant 2014, Pastor et Coulibaly poursuivent leur amitié.
Le futur terroriste sera même le témoin de l’accusé à son mariage religieux. Et pour cause, c’est la compagne de Coulibaly, Hayat Boumeddiene, qui lui trouve sa future épouse. Mais l’union vire au fiasco en quelques mois. Elle se revendique comme « salafiste », raconte Mickaël Pastor. Très religieuse, elle cherchait un mari avec qui partager sa foi. L’accusé lui, aime fumer des joints en jouant à la « Play ». « Au fond de moi, je savais que c’était de la merde, je ne la calculais pas (…) Elle était trop religieuse pour moi », a expliqué le jeune homme ce lundi matin.
Il y a aussi ces trois vidéos violentes montrées par Amedy Coulibaly à Mickaël Pastor Alwatik, mais aucune ne choque ce dernier. L’une d’entre elle représente un homme dans un pick-up rempli de cadavres, en Syrie. Une autre évoque le sort des Rohingyas. « C’était des vidéos qu’on pouvait voir facilement à l’époque. J’ai pas calculé, je sais qu’après coup c’est compliqué de dire ça. Mais je lui ai pas laissé le temps de me convaincre de quoi que ce soit, on est reparti jouer à la Play[station] et il m’a plus jamais parlé de ça », assure aujourd’hui l’accusé.
Les nombreux mensonges
Au-delà de son engagement religieux, ce sont surtout les multiples mensonges assénés par Alwatik – en garde à vue puis pendant l’instruction – qui n’ont cessé de semer le doute. Il y a cet ordinateur portable, par exemple, jamais retrouvé par les enquêteurs. Un temps, Mikaël Pastor a expliqué s’en être débarrassé mais bien avant les attentats et son interpellation. Ce lundi, il a certifié avoir revendu l’appareil à l’une de ses connaissances après les attaques, par peur d’être « relié » à Coulibaly qui avait branché un disque dur externe dessus. « Quand j’arrive en garde à vue, j’avais peur, je me retrouve dans une affaire qui est au-dessus de moi. Premier réflexe, je raconte de la merde », lâche-t-il.
« « Vous avez le droit de ne pas me croire et si vous ne me croyez pas, ce sera tant pis pour ma gueule en vrai » »
Autre « nouveauté » révélée à l’audience : l’existence d’une Renault Clio ayant appartenu à Coulibaly et prêtée à Mickaël Pastor Alwatik. Longtemps, l’accusé a nié avoir eu connaissance de l’existence de cette voiture. Aujourd’hui, il a reconnu non seulement l’avoir conduite et utilisée le 4 janvier 2015 – moins d’une semaine avant les attentats – mais également avoir revu Amedy Coulibaly par la suite pour lui rendre ses clés. « J’en ai parlé à personne, de la Clio. (…) J’étais campé sur une position, je faisais plus confiance à personne, je me suis enfermé dans mon mensonge », s’est-il justifié au micro.
Notre dossier sur le procès
Quant aux armes, il a expliqué les avoir « touchées quelques secondes à peine », par opportunisme, « excitation » et « curiosité ». Alwatik avait expliqué aux enquêteurs avoir découvert ces armes par hasard dans le coffre de la voiture dans laquelle il circulait avec Coulibaly pour faire quelques courses plusieurs semaines avant les attentats. Avant de se raviser et de convenir les avoir vues et manipulées le 5 janvier, trois jours avant le premier assassinat d’Amedy Coulibaly.
Confronté à ses mensonges, le trentenaire se résigne et accuse le coup : « J’ai menti et j’ai fait beaucoup d’erreurs. Celui qui en paiera les conséquences, c’est moi. Vous avez le droit de ne pas me croire et si vous ne me croyez pas, ce sera tant pis pour ma gueule en vrai. »