Délinquance : L’Unesco alerte sur une escroquerie aux fausses œuvres d’art africaines qui usurpe son image
INFO « 20 MINUTES »•L’escroquerie consiste à proposer à la vente de fausses œuvres d’art frauduleusement certifiées par l’UnescoVincent Vantighem
L'essentiel
- L’Unesco alerte, ce mercredi matin, sur la multiplication des escroqueries aux fausses œuvres d’art africaines.
- En se revendiquant de l’Unesco, des escrocs proposent à la vente des statuettes ou des masques issus de collections privées en Afrique.
- L’Unesco a recensé une trentaine de signalements en l’espace de douze mois. Cela représente environ un million d’euros détourné.
Tout a débuté, fin avril, par une invitation de Samuel Eto’o sur Facebook. D’habitude, Yolande ne répond jamais à ce genre de message. « Mais mon fils est fan de foot. Il m’a demandé d’accepter, se désole la quinquagénaire. Il me disait : "T’imagines ? Si ça se trouve, c’est vraiment Samuel Eto'o !" » Non. Ce n’était pas lui. Mais voilà comment, deux mois plus tard, le nom de Yolande est venu gonfler la liste des victimes d’arnaques aux fausses œuvres d’art africaines.
L’Unesco alerte, ce mercredi matin, sur la multiplication des escroqueries aux biens culturels en provenance d’Afrique. Ces derniers mois, cette agence de l’ONU s’est en effet aperçue que les escrocs n’hésitaient pas à utiliser frauduleusement son nom et son logo pour monter des arnaques en France. Voire à usurper l’identité de certains de ses membres pour convaincre les cibles de leur verser des fonds.
« C’est quand il a parlé de l’Unesco que ma tête a chauffé »
« Depuis deux ans, ces arnaques se multiplient. Sur les douze derniers mois, nous avons relevé une trentaine de signalements. Cela représente environ 1 million d’euros détournés, confie Cédric Bourgeois, chef de l’unité d’enquête à l’Unesco. Bien souvent, les victimes finissent par appeler le siège de l’Unesco. C’est comme cela qu’elles découvrent le pot aux roses. »
Comme Yolande. « C’est quand ce faux Samuel Eto’o m’a parlé de l’Unesco que ma tête a commencé à chauffer, confirme-t-elle. J’ai voulu vérifier… » Mais le mal était déjà fait. Et cette salariée d’une compagnie d’assurance s’était déjà délestée de 6.400 euros, dont une partie ponctionnée directement sur le compte bancaire de sa fille…
a700 euros pour un « rituel », 2.000 euros pour les douanes…
Pour la convaincre, l’escroc lui a servi une histoire sur mesure. Après dix jours de discussion badine sur Facebook puis WhatsApp, il a proposé de la mettre en relation avec un de ses amis américains, collectionneur d’art. « Il fallait simplement que je serve d’intermédiaire pour l’achat de statuettes africaines… », poursuit Yolande.
Le scénario était bien ficelé : les œuvres provenaient de Magba, un village camerounais qui existe vraiment, sur les bords de la rivière Mbam. Et le chef de ce village proposait de les céder pour pouvoir construire une école et un hôpital. « J’ai même reçu un coup de fil du chef du village qui m’expliquait tout ça », s’étrangle encore Yolande. Car évidemment, tout était faux. Les photos des statuettes, comme les vidéos montrant des hommes les emballant à l’aéroport de Douala avant le départ…
En revanche, à chaque étape, la quinquagénaire française devait s’acquitter d’un petit versement : 700 euros pour « le rituel » permettant aux statuettes de quitter le village, 200 euros pour le transport jusqu’à l’aéroport, 2.000 euros pour les douanes… « C’est quand il m’a demandé 1.200 euros sur la base d’un certificat de l’Unesco que je me suis inquiétée… »
Le frein psychologique du premier versement
Anne-Sophie Coulbois connaît bien ce genre d’histoires. Commissaire divisionnaire à la tête de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), elle confirme que cette escroquerie est classique. « A chaque fois, on se demande comment les gens se font avoir. Mais il faut savoir que les escrocs sont organisés, nombreux et qu’ils adaptent leurs scénarios en fonction des victimes. Et ils savent bien que le tampon d'une organisation officielle telle que l'Unesco sur un papier aide à convaincre. »
L’objectif étant toujours d’obtenir le premier versement, qui en amènera d’autres. « Le but, c’est la réitération des "petits paiements", poursuit la policière. Une fois que le frein psychologique du premier virement est passé, les victimes ont plus de mal à admettre qu’elles ont été victimes et continuent de payer… » Ainsi, l’an dernier, l’une d’entre elles a fini par alerter les autorités après avoir perdu au total 800.000 euros.
Trois faux Samuel Eto’o arrêtés à Douala
C’est pour éviter que cela ne se reproduise que l’Unesco tire, aujourd’hui, la sonnette d’alarme. « Nous voulons rappeler que l’Unesco n’intervient jamais dans le commerce de collections privées, ni comme intermédiaire, ni comme agent certificateur », rappelle Cédric Bourgeois. Mais la combine semble prendre de l’ampleur. Il y a deux jours, il a encore reçu un signalement concernant la vente de sept œuvres d’un village camerounais frauduleusement certifiées par le bureau de l’Unesco… en Inde.
Mais c’est bien en Afrique que se situe le cœur de l’arnaque. Mi-juin, trois « faux Samuel Eto’o » ont été arrêtés à Douala (Cameroun). Mais il y en a sans doute d’autres. « Nous essayons de renforcer la coopération internationale sur ce sujet, conclut Anne-Sophie Coulbois. Mais il faut admettre qu’il y a encore une marge de progression. »