Procès Fillon : Lourdement condamné dans l'affaire des emplois fictifs, l'ex Premier-ministre fait déjà appel
JUGEMENT•François Fillon, Penepole Fillon et Marc Joulaud ont tous trois été reconnus coupables. L'ex-Premier ministre est condamné à cinq ans de prison, dont deux fermeVincent Vantighem
L'essentiel
- François et Penelope Fillon ont été jugés en mars pour « détournement de fonds publics » et « abus de biens sociaux ». Penelope Fillon est soupçonnée d’avoir occupé un emploi fictif de collaboratrice à ses côtés lorsqu’il était député.
- Lors de l’audience, le parquet avait requis de lourdes peines et amendes à leur encontre.
- Mais, alors que la décision devait être rendue, ce lundi, François Fillon a demandé que les débats soient rouverts après les déclarations de l’ancienne procureure financière sur les pressions qu’elle a subies dans cette affaire.
A chaque fois, il s’agissait d’une fraction de seconde. Quasi imperceptible. Il fallait saisir ces quelques moments où Nathalie Gavarino a levé les yeux de son papier, au-dessus de ses lunettes, pour regarder si François et Penelope Fillon la suivaient toujours dans son raisonnement. Certes, la voix de la magistrate était monocorde. Certes, son débit était ultrarapide. Mais la sévérité du jugement prononcé dans l’affaire dite des « emplois fictifs » suffisait largement à capter l’attention de l’ancien favori de la présidentielle 2017 et de son épouse.
Au nom de la 32e chambre du tribunal judiciaire, Nathalie Gavarino a prononcé, ce lundi, de lourdes peines à l’encontre de François Fillon et de son épouse, coupables de « détournements de fonds publics » et « d’abus de bien sociaux ». L’ancien Premier ministre écope d’une peine de cinq ans de prison dont trois ans avec sursis, de dix ans d’inéligibilité et de 375.000 € d’amende. Son épouse, de trois ans de prison avec sursis et de la même amende. Des peines à la hauteur des réquisitions lâchées, en mars à l’audience, par le Parquet national financier.
Penelope ne faisait que « transmettre le courrier »
Mais au-delà même des chiffres, c’est surtout le discours implacable de la juge qui a scotché les époux au banc des prévenus avant qu'ils ne parviennent finalement à se lever pour fuir le tribunal sans prononcer un mot. « Les contrats de Mme Fillon n’obéissent à aucune logique ni en termes de montant de rémunération, ni en termes de tâches, effectuées en réalité par d’autres collaborateurs [de François Fillon] », a asséné la magistrate.
Revenant longuement sur la défense du couple Fillon, la magistrate a donc estimé que Penelope Fillon n’avait « jamais effectué de réelles prestations de travail au-delà de quelques tâches qui ne justifiaient en rien la rémunération perçue ».Et de citer en guise d’exemple le courrier. « Si [Penelope Fillon] le transmettait bien, elle ne le traitait pas, cette tâche incombant à l’autre secrétaire. »
Même analyse au sujet du poste de conseiller littéraire à La Revue des deux mondes offert par Marc Ladreit de Lacharrière, un ami de François Fillon, à son épouse. Un poste fictif, selon le tribunal. « Si Marc Ladreit de Lacharrière avait vraiment eu besoin d’un conseiller littéraire, il n’aurait pas, au préalable, proposé un autre poste à Mme Fillon [dans une autre de ses structures]. »
Les enfants Marie et Charles également mis à profit
Rappelant que l’ancien Premier ministre avait également embauché son fils, Charles, et sa fille, Marie, quand il était sénateur, le tribunal a estimé qu’il avait « mis en place une organisation permettant de détourner à son profit la quasi-totalité du crédit collaborateur » attribué aux parlementaires. Et que, par conséquent, il avait contribué à « éroder la confiance » que les citoyens ont dans les hommes politiques.
Le coup est rude pour l’ancien héraut de la droite qui aspirait, il y a encore trois ans, à gouverner la France sur un programme libéral et conservateur. D’autant plus que l’addition est salée. Outre les peines d’amende, le couple Fillon et Marc Joulaud, le suppléant de l’ancien Premier ministre, ont été condamnés à verser plus d’un million d'euros à l’Assemblée nationale. Soit l’addition des salaires indûment perçus, des charges sociales et patronales durant toutes ces années.
Il y aura un procès en appel
Avant de prononcer cette litanie de peines, Nathalie Gavarino avait balayé d’une phrase, en à peine quelques secondes, la demande de réouverture des débats réclamée par François Fillon après les déclarations polémiques de l’ex-procureure financier sur les « pressions hiérarchiques » qu’elle avait subies lors de l’enquête. C’est la raison pour laquelle Antonin Lévy, l’avocat de François Fillon, a immédiatement annoncé son intention de faire appel du jugement. De quoi suspendre la peine infligée à son client et le risque d’aller en prison dans l’attente d’un nouveau procès.
Ce sera l’occasion, selon l’avocat, de pouvoir enfin mettre sur la table « les rapports fantômes » et les « réunions d’arrière-boutique » qui ont, selon lui, perturbé l’enquête initiale et conduit aujourd’hui à la condamnation de son client. Un système de défense que n’a pas manqué de tacler Nathalie Gavarino dans son jugement. « S’il relève du choix personnel, il révèle que François Fillon n’a pas procédé à une remise en question de son comportement… » Il a désormais du temps pour le faire avant l’audience en appel.