ENQUETEFélicien Kabuga pourra être remis à la justice internationale

Rwanda : Accusé d'être le financier du génocide, Félicien Kabuga pourra être remis à la justice internationale

ENQUETEL'avocat de Félicien Kabuga, Me Laurent Bayon, a toutefois annoncé saisir la Cour de cassation, qui aura deux mois pour se prononcer
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Félicien Kabuga, 85 ans (ou 87 selon lui), a été arrêté le 18 mai dernier à Asnières (Hauts-de-Seine) par les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre.
  • Recherché par la justice internationale, il est soupçonné d’avoir financé le génocide qui a causé la mort de 800.000 personnes, essentiellement des membres de la minorité tutsi, en 1994 au Rwanda.
  • La Cour d’appel de Paris a ordonné, ce jeudi, qu’il soit remis à la justice internationale afin qu'il soit jugé. Mais son avocat, souhaitant qu’il soit jugé en France, a indiqué qu’il allait saisir la Cour de cassation.

La décision n’a étonné personne. Pas même Me Laurent Bayon. L’avocat de Félicien Kabuga se doutait bien que la cour d’appel de Paris allait ordonner, ce jeudi, la remise à la justice internationale de son client, un homme de 85 ans – 87 ans selon lui –, accusé d’être le financier du massacre qui coûta la vie, selon l’ONU, à 800.000 personnes au Rwanda en 1994, essentiellement membres de la minorité tutsi. « Ce n’est pas vraiment une surprise puisque nous considérons que cette cour n’est qu’une chambre d’enregistrement », explique l’avocat à 20 Minutes, ajoutant qu’il allait immédiatement saisir la Cour de cassation afin qu’elle « rétablisse le droit ».

Dès qu’elle aura reçu le dossier, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français aura deux mois pour se prononcer. « La chambre criminelle de la Cour de cassation va simplement vérifier que la décision prononcée ce jour par la cour d’appel est conforme à la loi. Mais elle n’examine pas la procédure sur le fonds », détaille une source judiciaire. Si elle valide l’arrêt de la cour d’appel, Félicien Kabuga, actuellement incarcéré à la prison de la Santé, devra être remis dans un délai d’un mois au Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), structure chargée d’achever les travaux du Tribunal international pour le Rwanda (TPIR).

Transfert en Tanzanie

Il sera alors transféré à Arusha, en Tanzanie, où siège le tribunal de l'ONU qui doit le juger pour génocide et crimes contre l’humanité. Mais Félicien Kabuga, qui était l’un des fugitifs les plus recherchés au monde, souhaite être jugé en France où il vivait sous une fausse identité. Son avocat redoute que la justice internationale soit partiale. Il a estimé, à l’audience, que l’acte d’accusation rédigé par le procureur ne laissait « aucun doute sur l’opinion de celui-ci quant à la culpabilité » de l’octogénaire, qui n’a pas encore été jugé, rappelle la cour d’appel de Paris. Me Bayon a affirmé en outre que l’état de santé de l’octogénaire ne lui permettait pas d’être transféré en Tanzanie, notamment en raison « de la situation sanitaire » de ce pays d’Afrique de l'Est.

La Cour d’appel de Paris, qui s’est contentée d’examiner la validité du mandat d’arrêt émis, a estimé que rien n’empêchera la défense de Félicien Kabuga de faire valoir ses droits devant le MTPI. Elle souligne aussi dans son arrêt qu’il ne sera pas transféré en Tanzanie « dans un contexte de pandémie du Covid-19 ». Un juge de la Haye, aux Pays-Bas, où siège le MTPI, a en effet décidé la semaine dernière qu'il était nécessaire d'attendre que les conditions soient réunies pour le transférer dans ce pays proche du Rwanda qu’il a fui en juin 1994. Depuis, il était visé par un mandat d’arrêt émis par le TPIR en 1997, et par une « notice rouge » d’Interpol depuis 2001.

L’un des « concepteurs du génocide »

Ce sont les gendarmes de l’OCLCH (Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité) qui ont mis à un terme à ses 26 années de cavale le 16 mai dernier, à Asnières, dans les Hauts-de-Seine. Kabuga « fait partie des concepteurs du génocide », expliquait à 20 Minutes, quelques jours après son interpellation, le colonel Eric Emeraux, qui dirige cet office. « C’est un type qui était extrêmement riche, qui est soupçonné d'avoir acheté des milliers de machettes pour armer les milices Interahamwe. Il est à l’origine de la création de la Radio Télévision Libre des Mille Collines, qui a été un vecteur de diffusion de haine entre 1992 et 1994 », ajoutait alors l’officier.