COMPTE-RENDUDésœuvrée mais rémunérée, Penelope Fillon plaide le « défaut de caractère »

Procès Fillon : « Conseillère littéraire » désœuvrée mais rémunérée, Penelope Fillon regrette son « défaut de caractère »

COMPTE-RENDURémunérée entre 2012 et 2013 plus de 3.900 euros nets par mois en qualité de « conseillère littéraire » pour la « Revue des deux mondes», Penelope Fillon a regretté à la barre de « ne pas avoir eu beaucoup de travail »
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • Mise en relation par son mari avec le propriétaire de la Revue des Deux Mondes Marc Ladreit de Lacharrière, Penelope Fillon a été embauchée à partir de mai 2012 comme « conseillère littéraire » jusqu’en décembre 2013.
  • Pendant plusieurs mois, elle a cumulé cet emploi avec celui de collaboratrice parlementaire pour son mari redevenu député en juin 2012.
  • Au total, seules deux de ses fiches de lecture ont été publiées par la revue et ses conseils pour « réorienter » et « redynamiser » la revue n’ont pas ou très peu été sollicités par le propriétaire du titre.

En ce mois de mai 2012, le slogan barre toutes les affiches de campagne de François Hollande : « Le changement, c’est maintenant » prédit le candidat socialiste. Dans le même temps dans les couloirs feutrés de l’hôtel de Matignon, Penelope Fillon, l’épouse du Premier ministre, y pense elle aussi : « Les enfants étaient partis de la maison, je voulais m’affirmer en dehors de mon travail d’assistante parlementaire, je cherchais un nouveau défi, c’était un désir de changement. »

Son envie se concrétise grâce à l’entremise de son mari qui organise une rencontre entre son épouse et Marc Ladreit de Lacharrière, ami du couple, entrepreneur et propriétaire du mensuel la Revue des Deux Mondes. L’entrevue porte ses fruits, le 2 mai, alors que la France vibre au rythme de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, Penelope Fillon signe son nouveau contrat de travail. Elle sera désormais conseillère littéraire chargée de redynamiser et rajeunir le titre.



3.900 euros nets par mois

Si le tribunal s’est penché ce jeudi sur cet épisode de sa carrière, c’est que l’activité de Penelope Fillon dans le cadre de ce contrat est apparue bien mince aux yeux des magistrats instructeurs. Au point que l’épouse de François Fillon est aujourd’hui jugée pour « abus de biens sociaux ». Quand Penelope signe sous son nom de jeune fille – Clarke – ce contrat de conseillère littéraire, elle le concède, elle n’a rien négocié. Ni sa rémunération fixée à 5.000 euros bruts par mois (3.900 euros nets environ), ni son statut de cadre, ni le forfait fixé à 218 jours de travail. « J’ai accepté la décision de M. de Lacharrière, je n’ai pas négocié, mais j’ai trouvé que c’était un salaire généreux, c’est vrai », glisse-t-elle.


Notre dossier sur le procès Fillon

Pendant leur tête-à-tête, Marc de Lacharrière, dresse un tableau peu reluisant de sa revue. Le mensuel perd des abonnés et pâtit selon lui d’une image vieillotte. « Il souhaitait faire des changements et il pensait que mon point de vue étranger pouvait être utile. Je ne faisais pas du tout partie du monde intellectuel parisien et j’étais libre de dire ce que je pensais », explique Penelope Fillon. L’homme fixe aussi leurs modalités de travail. Des rendez-vous mensuels au domicile du couple Fillon seront organisés pour échanger sur les orientations stratégiques à impulser. Passionnée de littérature, la sexagénaire est aussi amenée à rédiger des notes de lecture d’ouvrages envoyés par la rédaction.

L’inertie de Penelope Fillon

Très vite pourtant, Penelope Fillon se trouve désœuvrée. « Il y a eu des réunions au début et puis plus du tout. Je me suis dit qu’il était très occupé (…) J’aurais dû sans doute me manifester pour lui demander ce qu’il se passait et je n’ai pas osé faire cela par peur de le déranger », justifie l’épouse de François Fillon. « Un défaut de caractère » qu’elle assure regretter depuis. En parallèle, elle s’applique tout de même à rédiger ses fiches de lecture. Au total, sur toute la durée de son contrat, seules deux seront publiées dans la Revue des Deux Mondes sur la dizaine réalisée par Penelope Fillon.

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Le vice-procureur financier, Aurélien Létocart, s’étonne : « Et vous ne vous dîtes pas qu’il y a un problème ? ». « Si, je me suis dit qu’il y avait un problème, reconnait-elle, et je n’avais pas assez de travail (…) mais j’étais optimiste, je me disais que ça allait changer et j’ai repoussé ». Interrogé à son tour à la fin de la journée, François Fillon pointe, lui, la responsabilité de son ami Marc de Lacharrière : « Si Penelope n’était pas mon épouse, elle n’aurait pas à répondre à une seule de ces questions. La vérité, c’est que les salariés placardisés, y’en a dans toutes les entreprises françaises et c’est quand même aux employeurs de veiller à donner suffisamment de travail à leurs employés ». Selon le couple, Penelope Fillon aurait aussi fait les frais d’une mésentente entre le propriétaire du titre et son rédacteur en chef de l’époque, Michel Crépu. Lasse, l’épouse de l’élu sarthois finira par rompre son contrat à la fin de l’année 2013.

« Je travaillais le matin, le soir »

Au-delà de l’activité exercée par la prévenue, un autre point a concentré les interrogations du tribunal : celui du cumul des emplois de Penelope Fillon. En juillet 2012, pourtant déjà employée à temps plein pour le mensuel, elle est de nouveau embauchée comme assistante parlementaire par son mari, devenu député de Paris quelques mois plus tôt. La présidente, Nathalie Gavarino, interroge : « Comment avez-vous envisagé le cumul des deux emplois, collaboratrice et conseillère littéraire ? ». Naturellement, Penelope Fillon avance : « Je pouvais m’organiser comme je voulais, (…) je travaillais le matin, le soir ».

Pugnace, le vice-procureur Aurélien Létocart insiste auprès de François Fillon : « Si vous pensiez que son travail allait avoir la consistance que le laissait entendre son contrat, pourquoi vous l’embauchez ? ». Flegmatique, l’ancien Premier ministre vante les qualités stakhanovistes de sa collaboratrice : « Parce qu’elle avait le temps et les capacités de le faire. Il y a beaucoup de monde qui travaille avec moi et qui ne se contente pas des 35 heures, ce n’est pas notre manière de voir, on travaille les week-ends (…) Ça nous est apparu tout à fait compatible ».

Le procès reprendra lundi 9 mars à 13 h 30.