Escroquerie au «faux Le Drian» : 10 et 14 ans de prison requis contre les deux principaux prévenus
JUSTICE•Gilbert Chikli et Anthony Lasarevitsch sont accusés de s'être fait passer pour le ministre pour extorquer 55 millions d'euros à des chefs d'entreprise et d'ONG20 Minutes avec AFP
Une arnaque digne de Mission Impossible. L'accusation a requis mercredi à Paris 10 et 14 ans de prison ainsi qu'un total de 4 millions d'euros d'amendes à l'encontre de deux hommes soupçonnés d'avoir été les cerveaux d'une escroquerie consistant à usurper l'identité du ministre Jean-Yves Le Drian, notamment avec un masque en silicone.
La procureure a demandé la plus lourde peine pour Gilbert Chikli, 54 ans, considéré comme l'un des pionniers de l'arnaque téléphonique dite au «faux président». Pour lui et son co-accusé, Anthony Lasarevitsch, 35 ans, elle a aussi réclamé une condamnation à 2 millions d'euros d'amende.
A l'encontre des cinq autres prévenus âgés de 27 à 49 ans, dont l'un était absent au procès, elle a requis des peines allant de 6 mois à 5 ans de prison ferme, estimant qu'ils étaient complices en ayant, notamment, ouvert des comptes frauduleux ou réalisé du blanchiment d'argent.
«L'arme, c'est la voix»
«C'est comme un braquage, un hold-up, sauf que ça se fait au bout de fil, sans violence», a décrit Alice Chérif dans ses réquisitions. «Au final, c'est le même résultat qu'un hold-up sauf que l'arme, c'est la voix».
Elle a dépeint les deux principaux prévenus, qui ont clamé leur innocence tout au long du procès, comme un «duo»: d'un côté Gilbert Chikli le «roi de la déballe, celui qui s'expose», de l'autre M. Lasarevitsch, «l'homme de l'ombre, l'organisateur».
«La défense des prévenus s'éclate et se disloque sur la solidité et la réalité des preuves», qui, selon elle, «foisonnent dans le dossier».
«Audacieux», «astucieux», «exceptionnel»: des qualificatifs «trop positifs» ont été accolés aux faits, a aussi estimé la magistrate. «C'est immoral, c'est pathétique, intolérable, inadmissible, pour ne pas dire infâme et sordide», a-t-elle insisté. «Derrière les millions, il y a des personnes qui sont cassées, qui ont perdu toute confiance en elles».
150 cibles approchées
Entre 2015 et 2017, des escrocs ont empoché environ 55 millions d'euros en se faisant passer pour M. Le Drian, alors ministre de la Défense du gouvernement Hollande –il a depuis été nommé ministre des Affaires étrangères. A l'époque, les malfaiteurs contactaient des dirigeants, chefs d'entreprise et ONG, leur demandant une aide financière pour des «opérations secrètes» de l'Etat français. Ils expliquaient avoir besoin de fonds afin de payer discrètement une rançon pour des otages en Syrie ou pour financer la lutte contre le terrorisme, promettant un remboursement immédiat par la Banque de France.
Selon le parquet, plus de 150 cibles ont été approchées, parmi lesquelles le président du Gabon Ali Bongo, le Sidaction, le PDG du groupe Lafarge ou l'archevêque de Paris. Trois victimes sont tombées dans le piège, dont l'une des plus grandes fortunes turques, Inan Kirac, qui a perdu 47,4 millions de dollars (45 millions d'euros au cours de l'époque) et le chef spirituel des musulmans chiites ismaéliens, Karim Aga Khan IV, qui s'est fait extorquer 7,7 millions d'euros.