Pourquoi la cour d’appel de Lyon a-t-elle relaxé le cardinal Barbarin ?

Affaire Barbarin : Pour quelles raisons la cour d’appel de Lyon a-t-elle relaxé le cardinal ?

DECRYPTAGECondamné en mars dernier à six mois de prison avec sursis, l’archevêque de Lyon a été relaxé jeudi pour le chef de « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs »
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Le cardinal Barbarin a été relaxé jeudi par la cour d’appel de Lyon des faits de « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs », mettant en cause le père Preynat.
  • Il avait été condamné dix mois plus tôt à six mois de prison avec sursis pour ses silences sur les abus sexuels.
  • 20 Minutes a décrypté l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Il dit avoir « pris acte de l’arrêté » avec « sérénité ». Le cardinal Barbarin, condamné en mars 2019 à six mois de prison avec sursis, a été relaxé jeudi par la cour d’appel de Lyon des faits de « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs ». Des abus commis entre 1971 et 1991 dans le diocèse de Lyon par le père Preynat sur d’anciens scouts de la paroisse Saint-Joseph-Saint-Luc de Sainte-Foy-lès-Lyon.

Dans un arrêt de 38 pages que 20 Minutes a pu consulter, la cour étaie longuement sa décision. Elle reconnaît que le primat des Gaules avait eu connaissance du dossier avant même de rencontrer le prêtre en mars 2010, contrairement à ce qu’il affirme, mais elle estime, toutefois, que les faits étaient prescrits à ce moment-là. Un point contesté par Me Jean Boudot, l’un des avocats des victimes : « On le rediscutera devant la Cour de cassation​ », assure-t-il, confirmant qu’il avait saisi la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français.

Les victimes, capables de porter plainte elles-mêmes

Dans son argumentation, la cour d’appel indique qu’il n’y a pas d’obligation de dénoncer des violences sexuelles sur mineurs une fois que la victime est devenue majeure. La dénonciation ne s’impose que si la victime est en état de vulnérabilité, à savoir malade, infirme, enceinte ou en incapacité de saisir la justice elle-même.

« A ma connaissance, c’est la première fois qu’une cour d’appel rend une décision de ce type-là, poursuit Me Jean Boudot. Cette décision paraît complètement incohérente par rapport aux règles particulières de prescription qui concernent cette matière puisque justement, c’est parce que ces victimes sont en état de faiblesse psychique particulière qu’on leur a donné des délais de prescription plus longs », relève Jean Boudot.

Mais la cour est ferme. Selon elle, les victimes étaient en mesure de porter plainte elles-mêmes. « Il n’est pas démontré que ces personnes adultes, toutes insérées socialement, familialement et professionnellement, étaient atteintes d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique (…) à la date où Philippe Barbarin avait eu connaissance des faits », argumente-t-elle. Et de préciser quelques lignes plus loin que « la souffrance des plaignants », « leur difficulté à verbaliser ce qui touche à l’intime », « les répercussions psychologiques », « la mémoire traumatique » et « le sentiment de honte » ne pouvaient être considérés comme « une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique ».

Un nouveau volet devant la Cour de Cassation

« Nous avons une juridiction qui a dit le droit », se félicite Me André Soulier, l’un des deux avocats du cardinal Barbarin. Un point de vue partagé par son confrère Me Jean-Félix Luciani. « C’est une décision qui remet les choses en place. La cour considère qu’il n’y a pas d’infraction car les gens étaient capables d’aller porter plainte eux-mêmes et que mon client ne les a pas dissuadés de le faire », appuie-t-il.

Mais pour Me Yves Sauvayre, avocat des victimes, portant une autre interprétation du droit, les choses ne sont pas aussi claires que la défense voudrait le faire entendre. « La juridiction de la Cour de cassation a pour but de mettre un terme à un vrai combat juridique. Maintenant, il nous faut un arrêt de principe. On a besoin de ça, on n’en fera pas l’économie », annonce-t-il, déterminé à aller jusqu’au bout. « Il y a un clignotant qui est allumé. A la Cour de cassation de se l’approprier. A elle de nous dire s’il est rouge ou vert. »