Guantanamo: La justice française se penche de nouveau sur l’affaire des tortures
RECOURS•Le parquet général a toutefois requis la confirmation du non-lieu de 201720 Minutes avec AFP
Peut-on poursuivre en France des responsables américains pour les tortures subies à Guantanamo ? Deux ans après la fin de l’enquête, la justice a examiné jeudi le non-lieu rendu par les juges d’instruction après la plainte de deux anciens détenus français. Arrêtés au Pakistan après les attentats du 11 septembre 2001, puis détenus jusqu’en 2005 sur la base militaire installée à Cuba, Nizar Sassi et Mourad Benchellali accusent les autorités américaines de « séquestration », « détention arbitraire » et « actes de torture ».
Un non-lieu en septembre 2017
L’enquête, ouverte en 2005, s’est pourtant soldée par un non-lieu en septembre 2017 : la juge d’instruction a estimé que les personnes mises en cause ne pouvaient faire l’objet de poursuites à titre individuel, étant des « représentants de l’État agissant à ce titre ». Une analyse toutefois contestée par les plaignants, qui ont saisi la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris pour obtenir l’annulation du non-lieu et la poursuite des investigations. « C’est une des dernières chances au monde pour qu’un juge pénal identifie et poursuive les responsables civils et militaires des crimes » commis à Guantanamo, a insisté Me William Bourdon, l’un des avocats des plaignants.
Musiques assourdissantes ou flash de lumière, interrogatoires violents à toute heure, privation de sommeil, détention dans des cages grillagées de petite taille… Pour les avocats des deux anciens détenus, la « matérialité » des faits est « incontestable ». « Les parties civiles ont réuni et porté à la connaissance » de la justice « toute la documentation nécessaire à caractériser les crimes subis par elles et à identifier les personnes responsables », assure William Bourdon.
Une décision le 19 décembre
Lui et son confrère Andréas Schuller contestent par ailleurs toute immunité pour les responsables américains. « Dans des affaires similaires, des grands dignitaires civils et militaires ont été poursuivis sans qu’on oppose une quelconque immunité. Il serait incompréhensible qu’un traitement différent soit réservé à Nizar Sassi et Mourad Benchellali », insiste l’avocat.
Un argumentaire rejeté par le parquet général, qui a requis jeudi la confirmation du non-lieu, estimant que l’ensemble des personnes susceptibles d’être mises en cause bénéficierait de l'« immunité de juridiction » accordée aux Etats. La cour d’appel de Paris a mis sa décision en délibéré au 19 décembre.