Gang de la Brise de mer: Meurtre, psychose et mafia corse, l'incroyable procès du « repenti » Claude Chossat
JUSTICE•A travers le procès du meurtre de Richard Casanova, avec à la barre le « repenti » Claude Chossat, la justice se plonge à partir de ce lundi dans les affres fratricides du gang corse de la Brise de merMathilde Ceilles
L'essentiel
- En 2008, Richard Casanova, figure du grand banditisme corse et membre du gang de la Brise de mer, est tué à Porto-Vecchio.
- Claude Chossat est accusé du meurtre. Il est surnommé le « repenti » pour avoir collaboré avec la justice et donné des précieuses informations sur le fonctionnement du gang.
- Cet ancien proche de Jacques Mariani est appelé à la barre ce lundi dans un procès qui durera quinze jours.
On l’appelle le « repenti » de la bande criminelle de la Brise de mer. Ce lundi, Claude Chossat se présentera à la barre de la cour d’assises d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), où il est accusé du meurtre de Richard Casanova à Porto-Vecchio, un autre baron présumé de ce même réseau du milieu corse. 20 Minutes fait le point sur l’un des procès les plus attendus de l’histoire du grand banditisme insulaire.
Quels sont les faits ?
Le 23 avril 2008, Richard Casanova est grièvement blessé de plusieurs tirs d’arme automatique alors qu’il quittait un garage automobile Volkswagen de Porto-Vecchio, en Corse-du-Sud. Celui qu’on surnommait « Charles » ou « le Menteur » est abattu de plusieurs cartouches de calibre 223 par un tireur embusqué. Il décédera peu après l’arrivée des secours, à l’âge de 48 ans.
La victime est loin d’être inconnue des services de police. Les enquêteurs le considèrent en effet comme une figure du banditisme corse et continental. Il est même soupçonné d’être un des membres fondateurs du gang de la Brise de mer. Il est notamment soupçonné d’être le cerveau du casse de l’UBS à Genève, au cours duquel cinq malfaiteurs sont parvenus à mettre la main sur 125 millions de francs, jamais retrouvés.
Rapidement, les enquêteurs rapprochent l’assassinat de Richard Casanova de trois autres règlements de comptes et surtout font le lien avec des informations selon lesquelles Francis Mariani, un autre baron de la Brise de mer, aurait récemment échappé à deux tentatives d’assassinat.
Qu’est-ce que le gang de la Brise de mer ?
La Brise de mer est avant tout un bar qui trône sur le port de Bastia. Il est également devenu rapidement le lieu de réunion de certains membres d’un seul et même gang du grand banditisme corse, actif depuis la fin des années 1970. Cette bande criminelle de Haute-Corse aurait bâti sa puissance et son influence grâce à plusieurs braquages, mais aussi grâce à la mise en place de tout un système de mainmise sur les machines à sous.
Richard Casanova et Francis Mariani sont ainsi soupçonnés d’avoir été les dirigeants occultes des cercles de jeu parisiens Wagram et Eldo, des activités qui leur assuraient à chacun des revenus de l’ordre de 30.000 à 40.000 euros par mois. Au moment de l’assassinat de Richard Casanova, les membres du gang de la Brise de mer s’entre-tuent sur fond de haines fratricides.
Qui est Claude Chossat, le meurtrier présumé de Richard Casanova ?
Accusé d’assassinat en bande organisée et d’association de malfaiteurs dans cette affaire, Claude Chossat est considéré comme « l’homme de main » de Francis Mariani. La rencontre entre les deux hommes se fait à la prison de Borgo, en 2000. Selon Claude Chossat lui-même, qui a notamment publié un livre sur son parcours, les deux hommes se rapprochent d’abord autour de leur passion commune pour l’automobile. Rapidement, Claude Chossat devient l’homme à tout faire de Francis Mariani, tour à tour chauffeur ou garde du corps du célèbre bandit, décédé le 12 janvier 2009 dans l’explosion d’un hangar agricole près d’Aleria, en Haute-Corse.
Exilé en Suisse, Claude Chossat, mis en examen dans plusieurs affaires, est arrêté sur le parking d’un supermarché en septembre 2009. Peu de temps après, l’ancien membre du gang de la Brise de mer décide de collaborer avec la justice en livrant des informations précieuses sur ce gang. Une attitude qui lui vaudra le surnom de « repenti » du banditisme corse, même s’il ne bénéficie pas légalement de ce statut, puisque ce programme de protection ne couvre pas les affaires criminelles. Il comparaîtra ce lundi, et jusqu’au 8 novembre, devant les assises d’Aix-en-Provence au côté d’un autre prévenu, David Taddei. Egalement connu de la justice, ce dernier est accusé d’avoir fourni tout un lot d’armes à Francis Mariani, dont un fusil M16 de calibre 223. Une accusation qu’il nie.
Pourquoi Claude Chossat dit-il craindre pour sa sécurité ?
Depuis qu’il a décidé de « se mettre à table » comme on dit dans le milieu, Claude Chossat se dit en danger. « Le retour en prison, pour moi, c’est la mort », avait-il déclaré en 2018 devant la cour d’appel de Bastia, où il était jugé notamment pour escroquerie. « Dans sa vie quotidienne, il se méfie partout, tout le temps, affirme auprès de 20 Minutes son avocat Edouard Martial. Il a installé un système de vidéosurveillance chez lui. Il est tout le temps aux aguets. »
Pour ce procès devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence, les avocats de Claude Chossat avaient même demandé une délocalisation, en vain. « Claude Chossat est une cible détestée, haïe par tous ceux qui appartiennent à la criminalité corse, affirme son avocat, Me Edouard Martial, auprès de 20 Minutes. La cour d’assises d’Aix connaît parfaitement les dossiers de criminalité corse et il y a eu des incidents relativement graves au cours des dernières audiences. »
Et de relativiser : « Des mesures de sécurité nous ont été garanties pour ce procès. Nous allons être escortés de notre lieu de résidence au tribunal, et raccompagné vers notre lieu de résidence. Notre lieu de restauration sera également surveillé. » L’avocat qui devait initialement représenter Claude Chossat ce lundi, Me Jean-Michel Mariaggi, a été grièvement blessé lors d’une tentative d’assassinat en 2015.
Une attitude que déplore l’avocat des parties civiles, Me Emmanuel Marsigny. « Tout ceci relève de la gesticulation médiatique et d’un plan de communication, accuse-t-il. Il a récemment déclaré chez vos confrères de Marianne que la famille Casanova voulait le tuer. C’est indécent ! C’est une insulte à la famille qui dépasse l’entendement ! Ça suffit ! »
Qui sont les parties civiles ?
Des membres du clan Casanova, tous proches de la victime, seront sur le banc des parties civiles, dont son épouse, dont la vie aurait inspiré la série culte Mafiosa, selon Le Point. Cette femme est la sœur d’une autre figure du grand banditisme corse, Jean-Luc Germani, un temps le fugitif le plus recherché de France après une cavale de quatre ans. Or, Claude Chossat affirme que, en espionnant le gérant la concession Volkswagen de Porto-Vecchio, son « patron » Francis Mariani voulait entrer en contact avec Jean-Luc Germani, qu’il soupçonnait dans les tentatives d’assassinat le visant. S’il reconnaît sa participation à la mort de Richard Casanova, Claude Chossat affirme que le tireur n’est autre que Francis Mariani.
« Ce ne sont pas les parties civiles qui sont les accusées, martèle Me Marsigny. Elles sont victimes. Il y a un mari, un père, un fils qui est mort sous les balles. Ce n’est pas le procès de Richard Casanova, mais bien celui de Claude Chossat, qui comparaît pour assassinat ! Et mes clients n’attendent, après des années de procédure, qu’une chose : que la justice passe. »