Marseille : « La folie des guerres de clans marseillaises »… Les questions que pose le procès de l’assassinat de Zakary Remadnia
JUSTICE•Le procès du meurtre de Zakary Remadnia sur fond de vendetta entre deux des clans qui s'affrontent pour le trafic de drogue à Marseille s'ouvre ce vendrediM.Cei. avec AFP
L'essentiel
- En 2014 était tué Zakary Remadnia, dont la famille appartient au milieu du narcobanditisme marseillais.
- Des membres de clans rivaux sont soupçonnés d’avoir commandité cet assassinat.
- Leur procès s’ouvre ce vendredi.
Des familles rivales, depuis des années, qui s’affrontent pour obtenir la mainmise sur le trafic de drogue à Marseille, à coups de règlements de comptes sanglants. Une rivalité digne d’une vendetta qui avait fait, le 18 juillet 2014, une victime de plus. Ce vendredi s’ouvre devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône le procès de l’assassinat de Zakary Remadnia. Sur le banc des sept accusés, deux membres de la famille Tir et des proches de Medhi Berrebouh, tous deux rivaux de la famille Remadnia, autre nom connu dans le trafic de stupéfiants marseillais. 20 Minutes fait le point sur ce procès qui doit se tenir jusqu’au 11 octobre.
Quels sont les faits ?
Zakary Remadnia a été tué à 23 ans, le 18 juillet 2014, renversé de son scooter par une voiture avant d’être criblé de 23 balles, dont quatre dans la tête, par deux hommes, à l’arme de poing et au fusil d’assaut. La victime était très connue de la police judiciaire marseillaise, spécialisée dans le « narcobanditisme » qui gangrène certaines cités de la ville. Un meurtre qui avait notamment endeuillé l’adjointe au maire Nora Preziosi, tante de la victime.
Les enquêteurs ont très vite relié ce meurtre à une série de vengeances mortelles entre deux bandes concurrentes pour le contrôle du trafic de drogue dans le 14e arrondissement de Marseille, l’une constituée autour de membres de la famille Remadnia, l’autre autour de membres des familles Berrebouh et Tir.
Qui sont les prévenus ?
Six hommes et une femme, âgés de 28 à 35 ans, doivent comparaître pendant une semaine devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône pour leur implication présumée dans cet assassinat en bande organisée.
Selon les enquêteurs, les accusés auraient voulu venger des meurtres commis peu de temps dans leurs propres rangs, celui de Medhi Berrebouh, trois mois plus tôt, et celui un mois auparavant, en banlieue parisienne, de Karim Tir, alors manageur du rappeur Jul. Ils seraient aussi passés à l’acte de peur d’être eux-même victimes de règlements de comptes.
Sur le banc des accusés se trouve notamment Eddy Tir, qui a lui-même réchappé à une tentative d’assassinat à la kalachnikov et a été condamné à 20 ans de prison en appel, en mars, pour le meurtre à l’arme de guerre d’un adolescent. Selon les enquêteurs, il aurait ordonné ce meurtre depuis la prison où il était incarcéré. Selon l’enquête, fondée notamment sur des échanges SMS, il « aurait chargé d’autres, qui étaient libres de leurs mouvements, de procéder à [l'] exécution ».
Une version des faits que conteste une partie des accusés, dont les avocats plaideront l’acquittement. « Mon client ne conteste pas avoir été en contact avec les Tir, mais il nie les faits qui lui sont reprochés, affirme Me Luc Febbraro, avocat du meurtrier présumé. On a tué son ami d’enfance, Medhi Berrebouh, quatre jours après sa sortie de prison. Et tout le monde lui dit qu’il est en danger car c’est un proche de Medhi Berrebouh, dans la folie des guerres de clan marseillaises. Les Tir lui disent, en quelque sorte : " Nos ennemis, c’est les mêmes, on a cause commune. " Dans les conversations téléphoniques, au cœur de ce dossier, il essaie de comprendre mais il n’est pas concerné par tout cela. Et il est de notoriété commune que Zakary, à l’instar de sa famille, ont des ennemis en pagaille à Marseille ! »
Qui sont les parties civiles ?
L’affaire devait être dans un premier temps examinée devant le tribunal correctionnel de Marseille. Mais après un appel de la partie civile, constituée par un membre de la famille Remadnia, cette audience se retrouve devant les assises. Or, ce vendredi, aucun Remadnia ne sera sur le banc des victimes.
Au grand étonnement de leur avocat, contacté par 20 Minutes, ces derniers ont en effet décidé de ne plus se constituer partie civile, l’avant-veille du procès. « C’est peut-être l’expression que la famille Remadnia doute de la culpabilité des personnes sur le banc des accusés », tente Me Thierry Ospital, avocat de l’un des prévenus, qui compte lui aussi plaider l’acquittement.
« On peut aussi supposer qu’il s’agit d’un signal qui veut dire : "on ne réglera pas nos comptes par l’intermédiaire de la Justice mais directement entre nous…" », craint Me Febbraro. Une dizaine de personnes ont été tuées dans des règlements de comptes dans la région marseillaise depuis le début de l’année.