Pour le syndicat USM, c’est un mauvais signe pour l’indépendance de la justice en Principauté. Le juge français Edouard Levrault, chargé d’instruire avec un collègue monégasque le scandale autour du milliardaire russe Dmitri Rybolovlev, va, contre toute attente, devoir partir. « Le détachement de M. Edouard Levrault, juge d’instruction, en poste en Principauté depuis bientôt trois ans viendra à échéance au 1er septembre prochain, indique la Direction des services judiciaires dans un communiqué. Il ne sera pas renouvelé. »
« On est très surpris, surtout que le Prince disait qu’il fallait le laisser finir son travail », a déclaré le secrétaire général de l’Union syndicale des Magistrats, Jacky Coulon, confirmant une information de Monaco-Matin.
« Cela pose beaucoup de questions »
« Courant avril, il avait été indiqué à Edouard Levrault qu’il y avait un avis favorable au renouvellement de son détachement, et il vient d’apprendre que les autorités monégasques ne demandaient pas son renouvellement. Cela pose beaucoup de questions, et on s’inquiète pour l’indépendance de la justice », a-t-il ajouté.
A Monaco, la justice est rendue par des magistrats français. Mais depuis 2018, au grand dam de l’USM, la Principauté a décidé de leur imposer une rotation plus rapide, au bout de seulement trois ans.
« Tous les dossiers en cours seront repris »
Interrogé sur le sort du juge Levrault, le Garde des Sceaux monégasque Laurent Anselmi avait assuré début 2018 : « D’ici là, il aura largement le temps de terminer son instruction ».
Dans un communiqué, le gouvernement monégasque a indiqué que « tous les dossiers en cours seront repris et traités par des magistrats instructeurs qui bénéficieront, à l’instar de leurs prédécesseurs, de tous les moyens permettant d’accomplir leur mission en toute indépendance ».
Le juge Levrault a inculpé l’ancien ministre de l’Intérieur monégasque
Le gouvernement annonce aussi la création d’un troisième cabinet d’instruction pour écluser davantage de dossiers, et plus vite. Deux magistrats détachés doivent arriver, l’un pour ce 3e cabinet, et l’autre pour remplacer Edouard Levrault.
Dans l’un des volets de l’affaire Rybolovlev, le juge Levrault a inculpé l’ancien ministre de l’Intérieur monégasque Paul Masseron et trois hauts dirigeants policiers soupçonnés d’avoir été dévoués au milliardaire russe. A ce trafic d’influence passif, le juge a ajouté des soupçons de corruption passive.
Tableaux de maîtres
Au total, neuf personnes – dont Dmitri Rybolovlev, patron de l’AS Monaco, son avocate Me Tetiana Bersheda et l’ancien garde des Sceaux Philippe Narmino, l’épouse et le fils de ce dernier – ont été mises en cause, après des auditions et des perquisitions, provoquant une onde de choc sans précédent dans la Principauté.
L’affaire au départ était circonscrite à MM. Rybolovlev et Bouvier, le premier se plaignant d’avoir été escroqué d’un milliard de dollars par le second qui lui aurait surfacturé des tableaux de maîtres.