Soupçons de détournement de fonds publics: Collomb assure ne rien «avoir caché ni à cacher»
ENQUETE•Le maire de Lyon a réagi tardivement mercredi soir aux perquisitions menées dans le cadre d’une enquête préliminaire sur des soupçons de détournement de fonds publicsE.F. avec AFP
L'essentiel
- Le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire sur des soupçons de détournements de fonds publics.
- Gérard Collomb est soupçonné d’avoir fait bénéficier son ancienne compagne d’emplois fictifs à la mairie et d’emplois surpayés.
- Le montant du détournement présumé serait chiffré à 500.000 euros brut sur dix ans.
« N’ayant rien caché ni rien à cacher, je reste bien évidemment à la disposition de la justice. En 40 ans de vie publique, celle-ci n’a jamais rien eu à me reprocher, les Lyonnais le savent bien ». C’est en ces termes que le maire de Lyon Gérard Collomb a réagi tard dans la soirée de mercredi puis ce jeudi matin aux perquisitions menées à son domicile et à l’hôtel de ville, dans le cadre d’une enquête préliminaire sur des soupçons de détournement de fonds publics.
« On est toujours surpris le matin à 6h30, à l’heure du laitier, surtout quand vous êtes avec vos enfants qui sont encore couchés. Ça les a surpris un peu. Ils n’avaient pas cette habitude jusqu’à présent », a déclaré ce jeudi l’ex-ministre de l’Intérieur, en marge d’une conférence de presse sur la végétalisation de la presqu’ile lyonnaise. « Ça ne m’inquiète pas du tout. J’attends d’une manière sereine, et on verra le déroulement de la procédure. On répondra à toutes les questions », a-t-il poursuivi.
Des soupçons d’emplois fictifs et surpayés
Si les chefs de prévention ne sont pas encore fixés, l’édile est soupçonné d’avoir fait bénéficier son ex-compagne d’emplois fictifs à la mairie et d’emplois surpayés. L’ouverture de cette enquête pourrait porter un coup aux ambitions du baron lyonnais, réélu maire sans interruption depuis 2001, qui se prépare à briguer de nouveaux mandats l’année prochaine à la mairie et à la métropole.
A l’issue des perquisitions, la première menée « dès 6h30 » à son domicile dans le Ve arrondissement, « suivie d’une autre à l’hôtel de ville », Gérard Collomb a estimé mercredi soir que ce « procédé » ne laissait pas « d’interpeller quant à la période choisie, après la campagne des européennes et juste avant l’ouverture des municipales ».
Selon Le Canard Enchaîné, qui a révélé l’existence de cette enquête, c’est à la suite d’un rapport provisoire de la chambre régionale des comptes (CRC) d’Auvergne-Rhône-Alpes consacré à la gestion de la ville de Lyon et transmis au parquet national financier, que cette enquête préliminaire a été ouverte.
Dès mardi soir, avant même la publication de l’article du Canard, l’ancien ministre de l’Intérieur s’était étonné « qu’on ait pu diffuser des informations tant inacceptables qu’intolérables », alors que les conclusions d’une enquête administrative – diligentée par ses soins – ne sont pas encore connues.
Plusieurs emplois municipaux depuis 20 ans
Selon les magistrats de la CRC cités par Le Canard enchaîné, Gérard Collomb aurait « fait bénéficier son ex-compagne (Meriem Nouri) de plusieurs emplois municipaux depuis plus de vingt ans ». A charge pour les enquêteurs d’établir un éventuel « détournement de fonds publics ». L’ex-ministre de l’Intérieur a reconnu mardi soir que Meriem Nouri avait été employée par la ville de Lyon dans différentes fonctions depuis 1995 – date à laquelle elle partageait la vie du maire PS du IXe arrondissement.
Dans son communiqué de mardi soir, Gérard Collomb a évoqué un « signalement » effectué par la hiérarchie de son ancienne compagne en novembre 2017, quand il était encore ministre de l’Intérieur et loin de Lyon. Mais il ne précise ni l’objet de ce signalement, ni la fonction alors occupée par Meriem Nouri. « J’ai seulement été informé de ce fait en février 2019 », a-t-il expliqué, précisant avoir alors diligenté une enquête administrative toujours en cours. Sans savoir que la Chambre régionale des comptes se penchait aussi sur les emplois de son ex-compagne.
Selon lui, Meriem Nouri avait été « titularisée comme agent administratif en juin 2005 ». Puis de 2005 à 2009, elle a occupé divers emplois en mairies d’arrondissement avant d’être employée « sur des projets urbains » jusqu’à l’été 2015. « Depuis début 2018, Mme Nouri a été affectée d’abord dans une bibliothèque municipale puis dans une mairie d’arrondissement où elle travaille actuellement », a encore indiqué l’ex-ministre de l’Intérieur.
Déjà des rumeurs d’emploi fictif en 2008
Ce n’est pas la première fois que le travail de cette femme dans des services municipaux agite le landerneau politique lyonnais. Un observateur averti se souvient ainsi que des rumeurs d’emploi fictif avaient déjà couru lors de la campagne des municipales de 2008.
D’autres sources locales évoquent une femme à la personnalité imprévisible, potentiellement gênante pour la carrière de l’élu. Aux yeux de l’intéressé, les motifs de l’ouverture de cette enquête sont limpides : « il n’échappera à personne les véritables raisons qui conduisent ceux qui ont pris l’initiative de diffuser de telles informations de m’atteindre à dix mois des élections municipales », a-t-il tonné.
Cette affaire survient dans un contexte politique délicat pour Gérard Collomb, défié dans ses propres rangs LREM pour le prochain scrutin par son ancien dauphin et actuel président de la métropole lyonnaise, David Kimelfeld.