Le meurtre de Sophie Toscan du Plantier examiné 22 ans après

Meurtre de Sophie Toscan du Plantier en Irlande: Ian Bailey jugé en son absence à Paris

ASSISESBlanchi en Irlande mais accusé du meurtre en France, Ian Bailey a indiqué qu’il ne se présenterait pas ce lundi devant la cour d’assises de Paris
Vincent Vantighem

Vincent Vantighem

L'essentiel

  • Sophie Toscan du Plantier, épouse de l’ancien patron de Gaumont, a été tuée en 1996 en Irlande.
  • Le procès de son meurtrier présumé, Ian Bailey, s’ouvre, ce lundi matin, aux assises de Paris.
  • Blanchi par la justice irlandaise, il n’a pas prévu de se présenter devant les juges français.

Ce matin-là, au réveil, le paysage vert tendre s’était paré d’une tache rouge sombre d’un mètre carré environ. Celle formée par le sang de Sophie Toscan du Plantier, l’épouse du producteur de cinéma et ancien patron de Gaumont. Vingt-deux ans après la découverte de son corps, en contrebas de leur maison de Schull, à la pointe sud de l’Irlande, le procès de son meurtrier présumé doit s’ouvrir, ce lundi, devant la cour d’assises de Paris.

Sauf que Ian Bailey ne sera pas là. Aujourd’hui âgé de 62 ans, ce « journaliste raté » de l’aveu même de son avocat n’a jamais accepté de quitter sa Grande-Bretagne natale pour répondre aux questions des magistrats français. Bien aidé en cela par la justice de son pays qui a rejeté, à deux reprises en 2010 et 2016, les demandes d’extradition lancées par la France. « Il n’a cessé de critiquer la justice française mais il mesure parfaitement le risque qu’il y a à se présenter devant elle, analyse Marie Dosé, l’avocate des proches de Sophie Toscan du Plantier. Il y a de nombreux éléments contre lui dans le dossier… »

Des policiers irlandais surveillent la route montant à la villa de Sophie Toscan du Plantier, le 24 décembre près du village de Schull dans le sud de l'Irlande
Des policiers irlandais surveillent la route montant à la villa de Sophie Toscan du Plantier, le 24 décembre près du village de Schull dans le sud de l'Irlande - PIG AFP

Le « cul serré » de la victime suivi à l’épicerie

A commencer par le fait que Ian Bailey a été l’un des premiers sur les lieux du crime, ce fameux 23 décembre 1996. Poète à ses heures perdues dans les pubs et joueur de bodhran –le tambour traditionnel irlandais– cet homme est aussi, à l’époque, un journaliste pigiste qui tente de vendre ses scoops au pays du trèfle. Et au sujet de l’assassinat de Sophie Toscan du Plantier, il est plutôt bon.

Les enquêteurs se demandent ainsi comment il a su que la victime avait eu le crâne écrasé par un parpaing de 40 kilos, alors que ce détail n’avait pas été révélé jusqu’alors. Et puis Ian Bailey traîne une sale réputation. Celle d’un gars un peu violent. Du genre à battre sa femme quand il a trop bu. D’ailleurs, un de ces soirs, c’est un peu ivre qu’il aurait lâché devant témoins : « Je l’ai fait, je suis allé trop loin… » Une autre fois, il évoque, auprès d’un ami, le « cul serré » de la victime qu’il a suivi à l’épicerie Spar.

Ian Bailey photographié chez lui en février 1997, quelques semaines après le meurtre de Sophie Toscan du Plantier.
Ian Bailey photographié chez lui en février 1997, quelques semaines après le meurtre de Sophie Toscan du Plantier. - MAC SWEENEY/SIPA

Il a fallu trente heures au légiste pour arriver sur la scène de crime

Seulement voilà, le dossier ne comporte aucune preuve. Et les policiers irlandais n’ont relevé aucune empreinte sur la scène de crime. Sans doute parce que, au beau milieu des fêtes de Noël, il a fallu plus de trente heures au médecin légiste pour parvenir de Dublin jusqu’au corps de la victime conservé sous une pauvre bâche alors que la pluie redoublait.

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Placé deux fois en garde à vue en Irlande, Ian Bailey n’a jamais été mis en examen. « Le procureur général [irlandais] a tout examiné et a rédigé un rapport de 96 pages qui conclut au non-lieu », résume Dominique Tricaud, son avocat en France, qui a lui aussi décidé de ne pas assister au procès. D’où la comparaison facile : « Imaginez qu’un Français soit accusé en France du meurtre d’une Irlandaise. Et imaginez que la justice française l’innocente. Croyez-vous vraiment qu’on le remettrait à l’Irlande ? »

Impossible de répondre à cette question. Mais la justice française, après 20 ans d’errements, a finalement décidé d’ordonner un procès avec ou sans l’accusé. Il est prévu pour durer toute la semaine. Pour des accusations de « meurtre », Ian Bailey encourt une peine de trente ans de prison.