Toulouse: Les approximations de l'homme accusé du meurtre de Patricia Bouchon à la barre
JUSTICE•Mardi, Laurent Dejean, a pu s’exprimer sur les éléments qui l’accusent du meurtre de Patricia Bouchon et pour lequel il comparaît devant les Assises de la Haute-Garonne jusqu’à vendrediBéatrice Colin
L'essentiel
- Depuis le 14 mars et jusqu’à vendredi, Laurent Dejean est jugé devant la cour d’assises de la Haute-Garonne pour le meurtre de Patricia Bouchon.
- L'accusé s’est expliqué durant plusieurs heures à la barre, notamment sur les éléments qui ont conduit à sa mise en examen.
- Parfois confus, il a reconnu avoir eu une Clio au moment du meurtre, puis s’en être débarrassée trois mois plus tard.
«Je suis un peu nerveux, des fois je me mets en colère, je veux que ce soit clair », prévient d’emblée Laurent Dejean, 40 ans « en mai prochain ». Deux semaines après l’ouverture de son procès, l’homme suspecté du meurtre de Patricia Bouchon est apparu plutôt à l’aise ce mardi, à la barre de la cour d’assises de la Haute-Garonne.
Lui qui est resté longtemps le regard dans le vide au fil des auditions des enquêteurs, experts et témoins, est apparu plus disert face au président.
Il a répondu, parfois à côté, mais a répété à plusieurs reprises qu’il était innocent du meurtre de cette mère de famille, assassinée à Bouloc le 14 février 2011 alors qu’elle faisait son jogging vers 4 h 30.
« Choqué » par la mort de Patricia Bouchon
Cet ancien plaquiste, à la mémoire friable, s’est pourtant « très bien » souvenu qu’il s’était rendu à son travail ce matin-là, vers 7h. Alors que plusieurs témoins ont indiqué au cours de l’enquête que cet ancien toxicomane était un habitué des virées nocturnes, Laurent Dejean a assuré qu’il ne sortait pas les jours où il travaillait et qu’il dormait « d’un sommeil lourd ».
Avant le 14 février, avait-il déjà croisé Patricia Bouchon l’interroge le président de la cour, Guillaume Roussel. « Je ne certifie pas que c’était Mme Bouchon, je ne la connaissais pas. J’ai vu une fois une joggeuse un après-midi, jamais la nuit », a-t-il répété à plusieurs reprises.
Notre dossier sur l'affaire Bouchon
Au lendemain de la disparition de la joggeuse, « il y avait un tas de gendarmes partout, je ne comprenais pas pourquoi », s’est-il souvenu. Il s’est alors rendu « tout de suite » chez sa mère pour lui dire de s’enfermer chez elle, un homme rodant. Au jury, il a expliqué qu’il avait été « choqué » et « troublé » lorsqu’il a appris la mort de Patricia Bouchon.
Une Clio au moment du meurtre
Il a eu plus de mal à expliquer pourquoi il avait menti sur la Clio blanche qu’il possédait au moment du meurtre de Patricia Bouchon. Le même type de voiture qu’un témoin capital dit avoir vu, juste après croisé le chemin de la joggeuse. Mais la sienne était blanche, pas grise comme celle décrite par l’automobiliste. Une voiture qu’il a achetée à des gitans du camp de Ginestous, à Toulouse, en novembre 2010, et qu’il a revendue au même endroit en mai 2011.
« Tout au long de la procédure vous avez contesté avoir eu une Clio, même lors de confrontation avec vos amis. Ça a provoqué le trouble chez tout le monde. Pourquoi avoir menti ? », a demandé le président Guillaume Roussel.
« J’avais peur, les gendarmes cherchaient une Clio. Ma voiture n’avait pas de carte grise », s’est souvenu Laurent Dejean à la barre. « J’avais peur qu’on dise, oui c’est toi qui as tué Mme Bouchon alors que c’est une chose fausse », a-t-il justifié.
Au détour d’une autre intervention, il a expliqué qu’il avait eu connaissance de la présence de la Clio sur les lieux du meurtre seulement « au cours de l’instruction ». Or il n’a été entendu pour la première fois qu’en janvier 2012, soit onze mois après les faits et plus de huit mois après s’être débarrassé de la voiture.
« Quand on a rien à se reprocher on ne cache pas un véhicule. Il nous a baladés tout au long de l’enquête avec cette Clio, là il nous sert une nouvelle version », déplore de son côté Stephane Juillard, l’avocat de la famille de la victime.
La sœur de l’accusé le croit innocent
Si Laurent Dejean est apparu confus, sa sœur, Corinne, a par contre été très claire. « Je suis tombée de très haut il y a quatre ans. Mon frère n’a pas du tout le profil d’un meurtrier, c’est quelqu’un de très gentil, très serviable, avec un caractère mais pas au point de faire de telles choses », a-t-elle affirmé lors de son intervention où la sincérité a percé.
Loin de Bouloc, l’aînée de l’accusé n’était toutefois pas au courant de son addiction au cannabis ou encore de sa relation cahotique avec une jeune femme.
Depuis Lyon, d’où elle témoignait en visioconférence, elle a exprimé au nom de sa famille « toute sa compassion pour la famille de Patricia Bouchon », tout en indiquant qu’elle avait « terriblement peur d’une erreur judiciaire ». «Il n'y a pas de preuves au bout de dix jours de procès. Dejean n’est pas pris en défaut. Il faut qu’il y ait une application stricte du droit et que le doute profite à l’accusé », plaide son avocat, Guy Debuisson.