Procès «Air Cocaïne»: La guerre des polices au cœur des débats
PROCES•Le procès Air Cocaïne qui se tient depuis lundi à Aix-en-Provence a tourné à une guerre des polices lors des débats de jeudi20 Minutes avec AFP
L'essentiel
- Le procès « Air Cocaïne » s’est ouvert lundi à la cour d’assises d’Aix-en-Provence.
- Jeudi, les débats se sont concentrés autour d’une guerre des polices : des gendarmes reprochant à des officiers de l’Octris de ne pas leur avoir transmis certains dossiers.
Gendarmes contre Octris, voilà à quoi se sont résumés les débats, jeudi, lors du procès « Air Cocaïne », jugé par la cour d’assises d’Aix-en-Provence depuis le début de la semaine. Des documents non transmis aux gendarmes, une juge d’instruction laissée dans l’ignorance : l’enquête sur l’affaire « Air Cocaïne », un trafic international de drogue en bande organisée, a tourné à une « guerre des polices ».
« Début 2013, j’ai été contacté par un collègue qui m’a mis en contact avec une personne qui avait des informations sur un trafic de stupéfiants », a raconté à l’audience Jocelyn Berret, un policier de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis), saisi initialement de l’enquête.
Un simple « manque de communication »
« J’ai pris contact avec Fabrice Alcaud qui m’a dit qu’il y avait des pilotes qui faisaient un trafic un peu bizarre ». Fabrice Alcaud est codirigeant de la société SNTHS qui avait affrété le Falcon 50 intercepté le 23 mars 2013 en République dominicaine avec près de 700 kilos de cocaïne à bord. Un rendez-vous entre les deux hommes a lieu deux jours après. « Je ne suis pas lié au trafic », lui dit Fabrice Alcaud. L’Ocrtis juge qu’il peut être un informateur fiable et l’inscrit au registre des sources de la police.
Après la mise en examen et le placement en détention de Fabrice Alcaud, Jocelyn Berret lui rend visite en prison. « Je lui ai dit de ne pas hésiter à dire la vérité » à la juge, dit-il à la barre, admettant que cette démarche, qui n’apparaît dans aucun rapport de la procédure, n’est pas « habituelle ». « J’ai fait un compte rendu oral à ma hiérarchie lui demandant d’en aviser la juge », affirme encore Jocelyn Berret. Mais Christine Saunier-Ruellan, la magistrate, n’est mise au courant que bien plus tard, en juin 2014. Elle dessaisit aussitôt l’Ocrtis de l’affaire au bénéfice des gendarmes.
« Je n’ai jamais donné d’instruction de ne pas en aviser la juge », se défend à son tour le commissaire Stéphane Lapeyre, chef du service à l’Ocrtis. Le policier « déplore » un simple « manque de communication ». Un PV en ce sens, daté de 2013, semble attester de sa bonne foi mais il n’a été versé au dossier qu’en 2014. « Ça interpelle », note le président Jean-Luc Tournier.
« C’est une guerre de police pathétique »
Quel rôle a joué l’Ocrtis au début de l’enquête et après en avoir été dessaisi ? Les gendarmes comme la défense ont des doutes. Devant la cour, mardi, le chef enquêteur de la gendarmerie, François Ségura, a accusé l’Office de ne lui avoir pas « transmis tous les éléments qu’il aurait dus ». « Il aurait fallu pleurer », souligne-t-il. Manquent notamment, selon la défense, les fadettes, les listes de numéros de téléphone récupérés par l’Ocrtis. « C’est une guerre de police pathétique. Dites les choses, on n’a pas voulu vous donner les éléments ? », interroge l’avocate de Fabrice Alcaud à l’adresse du gendarme. « C’est ce que je viens de dire », répond-il.
« Tout a été transmis au magistrat instructeur », assure le commissaire Stéphane Lapeyre. Il veut aussi « enlever un certain nombre de fantasmes » qui courent, selon lui, sur l’Ocrtis. « Nous ne sommes pas à l’origine de l’interception du Falcon » en République Dominicaine, affirme-t-il pour répondre aux accusations selon lesquelles l’Ocrtis aurait prévenu la police dominicaine pour éviter que les gendarmes français, qui attendaient le Falcon à l’aéroport de Saint-Tropez, soient chargés de l’enquête. « Tout un pan de l’affaire [instruite en République dominicaine] nous échappait », assure-t-il encore.