Procès d'Eric Drouet: «Je suis responsable de rien du tout. Il n’y a pas de leader, pas d’organisateur chez les "gilets jaunes"»
JUSTICE•La figure médiatique des « gilets jaunes », Eric Drouet, comparaissait ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris pour « organisation de manifestations non-déclarées au préalable »Hélène Sergent
L'essentiel
- Le parquet a requis ce vendredi une peine d’un mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende contre Eric Drouet, l'un des leaders des «gilets jaunes».
- Il est poursuivi pour avoir organisé le samedi 22 décembreet mercredi 2 janvier des manifestations sans déclaration auprès de la préfecture de police de Paris.
«Je ne suis pas un organisateur, je suis juste un relais d’information ». Barbe taillée, bomber’s sombre sur les épaules, le plus médiatique des «gilets jaunes», Eric Drouet, a nié être à l’origine d’un quelconque rassemblement dans la capitale. Le chauffeur routier, âgé de 34 ans et père d’une petite fille, comparaissait pour avoir organisé, les 22 décembre et 2 janvier derniers, des manifestations non-déclarées au préalable auprès de la préfecture de police.
Son avocat, Khéops Lara, a dénoncé face au tribunal correctionnel de Paris, une « arrestation arbitraire » et un « procès politique » contre son client. Des accusations outrancières pour le procureur Olivier Christen qui a requis contre Eric Drouet une peine d’un mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende.
« Nous irons où nous voudrons aller »
Eric Drouet a-t-il appelé les «gilets jaunes»à venir manifester dans Paris le 2 janvier 2019 ? Pour le ministère, cela ne fait aucun doute. En cause, ce message posté sur la page Facebook du prévenu : « C’est demain les amis !! Pas de gilets jaunes !! Juste nous !! Dans le respect de la loi mais pas plus !! (…) Nous irons où nous voudrons aller !!». Dans une autre vidéo, diffusée sur YouTube, le «gilet jaune» prévenait qu’il allait « choquer » l’opinion publique.
La présidente l’interroge : « Ce n’était pas un appel à un rassemblement ? », « Non, on voulait juste se rencontrer le mercredi, c’était juste pour rendre un hommage », s’est justifié le prévenu. Selon lui, seule une dizaine de personnes, « des amis », souhaitaient venir déposer quelques bougies, « pour les morts et les blessés » du mouvement avant de rejoindre un autre petit groupe pour « boire un café ».
Les images, tournées par des journalistes qui suivaient le trentenaire et diffusées à l’audience, montrent Eric Drouet encerclé avec une cinquantaine d’autres personnes par de nombreux CRS postés rue Royale, à proximité de la place de la Concorde et des Champs-Elysées. C’est à cet endroit que le chauffeur routier sera interpellé le 2 janvier.
« Je ne suis responsable de rien du tout ! »
Mais l’homme comparaissait également pour l’organisation d’une autre manifestation, celle du samedi 22 décembre partie de la basilique du Sacré-Cœur dans le quartier Montmartre à Paris. Là encore, le procureur a relevé un message échangé sur Facebook quelques jours plus tôt, entre le prévenu et un internaute : « C’est bien toi l’organisateur ? » lui demande-t-il, « oui », répond simplement Drouet. Un non-sens selon l’avocat de la défense, qui précise que ce message concernait un rassemblement tenu à une date antérieure.
Prévue à l’origine à Versailles (Yvelines), la manifestation parisienne du 22 décembre n’avait pas été déclarée à la préfecture comme c’est le cas pour tout événement regroupant des personnes sur la voie publique. Eric Drouet a reconnu avoir été contacté par la préfecture et signé un arrêté. Mais les «gilets jaunes» en ont décidé autrement, a-t-il expliqué : « Ils n’ont pas voulu y aller parce qu’à chaque fois on est parqué et ça se passe mal (…) c’était le choix des "gilets jaunes", moi je ne suis que le relais ». Pointant la popularité du jeune homme auprès des manifestants, le procureur l’a interrogé :
- « Ne croyez-vous pas qu’il est de votre responsabilité que tout se passe bien pour tout le monde ? »
- Je suis responsable de rien du tout. Il n’y a pas de leader, pas d’organisateur chez les "gilets jaunes". Chacun est responsable de lui-même», a répondu Drouet.
Un procès « politique » pour la défense
Si le procureur a reconnu les revendications « pacifiques » du prévenu et du mouvement en général, il a appelé le tribunal à condamner le "gilet jaune" à une peine d’un mois de prison avec sursis et à 500 euros d’amende. « Le problème, ce n’est pas les gens qui organisent pacifiquement c’est que, lorsqu’on ne veut pas déclarer la manifestation au préalable, cela ouvre la porte à ceux qui veulent profiter de ce mouvement collectif pour dégrader », a estimé Olivier Christen.
Une aberration pour l’avocat d’Eric Drouet qui a demandé au tribunal de relaxer son client : « Aucun des éléments matériels et intentionnels n’est constitué dans le dossier (…) Il avait parfaitement le droit d’être là ce 2 janvier et il le fait de façon pacifique, ne rentrez pas dans ce débat (…) ce procès est clairement politique ! ». L’affaire a été mise en délibéré et le jugement sera rendu le 29 mars prochain.