Affaire de viol au 36: Deux policiers de la BRI comparaissent devant la cour d'assises de Paris
PROCES•Nicolas R. et Antoine Q., deux policiers affectés à la prestigieuse BRI, sont accusés d’avoir violé une touriste canadienne en avril 2014…L'essentiel
- Emily S., une Canadienne de 38 ans, accuse deux policiers de la BRI de l’avoir violée en 2014.
- S’ils reconnaissent avoir passé la soirée avec elle, Nicolas R. et Antoine Q. nient l’avoir agressée.
- Les deux hommes comparaissent à partir de ce lundi devant la cour d’assises de Paris.
- Ils encourent 20 ans de réclusion criminelle.
23 avril 2014. Amaury R. passe la soirée au « Galway », un bar situé en face du 36, Quai des Orfèvres, le siège de la police judiciaire parisienne, avec d’autres agents de la BRI (brigade de recherche et d’intervention). Soudain, un peu après 2 heures, apparaît un de ses collègues, le brigadier-chef Sébastien C.. «C’est la merde, il y a un problème au service », lui dit-il. Les deux hommes se dépêchent de retourner au « 36 », situé de l’autre côté de la Seine, sur l’île de la cité. Devant le bâtiment, ils découvrent une femme, assise par terre, sans chaussures, en train de pleurer. Visiblement très alcoolisée, cette touriste canadienne leur dit en anglais : « Ils m’ont violée ».
Ceux qu’Emily S., 38 ans, accuse de l’avoir agressée ce soir-là sont deux policiers, affectés à l’antigang. Quatre ans et demi plus tard, le capitaine Antoine Q., 40 ans, et le major Nicolas R, 49 ans, comparaissent devant la justice. Ils seront jugés à partir de ce lundi devant la cour d’assises de Paris pour viol en réunion. Ils encourent 20 ans de prison. « Mon client est combatif et est impatient que son innocence soit reconnue », déclare à 20 Minutes maître Sébastien Schapira, l’avocat de Nicolas R.. Car les deux accusés nient farouchement les faits qui leur sont reprochés.
Des versions divergentes
Oui, ils ont bien rencontré la plaignante cette nuit-là, au pub irlandais, et ont bu des verres avec elle. Oui, ils ont flirté avec elle. Oui, ils l’ont bien emmenée visiter les locaux de la PJ un peu plus tard. Mais ici, les versions des uns et des autres divergent. Emily S. affirme que Nicolas R. l’a subitement forcée à lui faire une fellation dans son bureau, profitant de son état second. De son côté, l’accusé a indiqué aux juges d’instruction qu’ils se sont embrassés, qu’elle l’a ensuite pris en bouche jusqu’à ce qu’il ait une « panne mécanique ». Selon lui, elle s’est alors énervée et comme il n’avait « plus la tête à faire la fête », il est parti.
Antoine Q., lui, reconnaît avoir embrassé et pénétré avec ses doigts Emily S. alors qu’il l’emmenait au « 36 » en voiture. Mais après ça, il est monté dans son bureau pour préparer ses affaires dans le cadre de la mission qu’il devait réaliser le lendemain. La plaignante affirme pour sa part qu’il ne s’est rien passé dans le véhicule. En revanche, elle soutient qu’Antoine Q. l’a lui aussi obligée à lui faire une fellation dans un bureau aux côtés de deux autres hommes, dont l’un est Nicolas R.. Le troisième n’a jamais pu être identifié. Elle explique aussi que certains d’entre eux l’ont pénétrée à trois reprises vaginalement, sans doute avec des préservatifs.
Un non-lieu rendu par les juges d’instruction
L’affaire avait secoué la Préfecture de police, qui sera ébranlée par la suite par le vol d’une importante de cocaïne dans les locaux de la brigade des stupéfiants, et par le scandale impliquant le directeur de la police judiciaire, Bernard Petit. Mais au terme de deux ans d’enquête, les juges d’instruction ont rendu, en juillet 2016, une ordonnance de non-lieu. Les magistrats relevaient plusieurs « incohérences dans le discours » de la Canadienne. « Elle relate une scène à laquelle elle ajoute parfois des éléments sans qu’il soit possible d’affirmer si c’est que le souvenir lui en revient ou qu’elle souhaite emporter la conviction », écrivaient-ils.
Quelques jours plus tard, le procureur de la République de Paris, François Molins, puis la partie civile faisaient appel de cette ordonnance de non-lieu. La chambre de l’instruction de la cour d’appel a finalement tranché en septembre 2017. Elle a finalement estimé qu’il existait des « charges suffisantes » contre les suspects justifiant qu’ils soient jugés aux assises pour viol en réunion. Elle souligne dans son arrêt que le témoignage d’Emily S. est « crédible » car corroboré « par des éléments objectifs du dossier, en particulier l’examen médico-judiciaire », contrairement aux « déclarations respectives des mis en examen ».
Un procès à huis clos ?
Le procès d’Antoine Q. et de Nicolas R. doit se tenir jusqu’au 1er février. Sébastien C. a été placé sous le statut de témoin assisté, car il se trouvait dans les locaux aux moments des faits. En revanche, rien n’indique formellement qu’il était au courant des faits lorsqu’ils ont eu lieu, ni qu’il ait pu les empêcher. Selon nos informations, la partie civile pourrait demander, comme le permet la loi, que les audiences se tiennent à huis clos. Contactés par 20 Minutes, les avocats d’Antoine Q. et d’Emily S. n’ont pas donné suite à nos sollicitations.