PROJET DE LOI JUSTICELa réforme des peines dans le collimateur des magistrats

Projet de loi Justice: La réforme des peines dans le collimateur des magistrats

PROJET DE LOI JUSTICELes sénateurs doivent examiner le projet de loi Justice à partir de ce mardi avant son arrivée à l'Assemblée nationale en novembre prochain...
Un couloir de la prison de Nîmes.
Un couloir de la prison de Nîmes. - S. Thomas / AFP
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • En mars dernier, Emmanuel Macron a présenté à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) son projet pour refonder l’échelle des peines.
  • Le projet de loi examiné à partir de ce mardi par les sénateurs prévoit notamment l’interdiction de prononcer une peine de prison inférieure à un mois.
  • Lors de l’examen devant la commission des lois du Sénat, les élus ont supprimé plusieurs mesures « phares » portées par l’exécutif.

Il faut « convertir notre regard sur la peine », appelait de ses vœux Emmanuel Macron en mars dernier. En visite à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), le chef de l’Etat dévoilait alors les premières pistes du vaste projet de réforme de la Justice débattu à partir de ce mardi au Sénat. Gestion des litiges, pensions alimentaires ou réorganisation des tribunaux d'instance, le texte élaboré par le gouvernement touche à toutes les composantes du monde judiciaire.

Effleuré lors de sa campagne présidentielle, la problématique liée à l’efficacité des peines prononcées par les tribunaux a été largement développée dans ce projet de loi Justice porté par Nicole Belloubet. Que prévoit le gouvernement et qu’en pensent les magistrats ? 20 Minutes fait le point.

Une nouvelle échelle des peines

« Redonner du sens à la peine », « assurer l’exécution effective des sanctions prononcées » et « désengorger les prisons », voilà l’ambition affichée par la Chancellerie. En clair, c’est tout le système des peines qu’entend modifier le gouvernement. Parmi les changements importants : l’interdiction des peines de prisons inférieures à un mois, l’externalisation des peines entre un et six mois avec la possibilité d’être « détenu à domicile » sous surveillance électronique ou dans un centre de semi-liberté, ou encore la suppression des aménagements de peine lorsqu’une personne est condamnée à plus d’un an de prison.

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Cette nouvelle échelle a été en partie supprimée ou modifiée par les sénateurs en commission des lois. « On a voulu rétablir un principe simple pour les peines prononcées inférieures ou égales à un an : le tribunal correctionnel doit pouvoir disposer de tous les outils possibles pour sanctionner quelqu’un, notamment ne pas l’envoyer systématiquement en prison », précise François-Noël Buffet (LR), nommé corapporteur du projet de loi.

Un effet pervers ?

Si l’exécutif avance la volonté de désengorger les prisons en supprimant les peines d’emprisonnement de moins d’un mois et les alternatives comme la détention à domicile pour les « courtes » peines, certains magistrats redoutent une mesure contre-productive et une augmentation des durées des peines prononcées.

« Quand le tribunal doit juger un multirécidiviste mais que la gravité des faits qui lui sont reprochés ne justifie pas un emprisonnement de plus d’un an, les juges peuvent quand même estimer qu’il est opportun de la placer en détention. Or, avec cette réforme, la tentation sera forte pour les magistrats de condamner à une peine supérieure à un an pour qu’il soit placé en détention », analyse Marc Lifchitz, magistrat et secrétaire général adjoint du syndicat FO - Unité Magistrats.

Les chiffres de la surpopulation carcérale depuis 1990.
Les chiffres de la surpopulation carcérale depuis 1990.  - PAUL DEFOSSEUX, JEAN MICHEL CORNU / AFP

« Il y a un gros risque d’effet pervers (…) c’est ce qu’on appelle l’effet de seuil. Si les magistrats estiment qu’il ne faut pas d’aménagement de peine, ils vont prononcer une sanction légèrement supérieure pour qu’il n’y ait pas d’aménagement » abonde Juliane Pinsard, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature.

Pour le syndicat FO - Unité Magistrats, ces propositions traduisent une « approche purement économique » : « Le gouvernement considère qu’on fait face à une surpopulation carcérale, ce que nous réfutons. C’est, selon nous, le parc pénitentiaire qui est en sous-capacité. Ces nouvelles peines ont pour seul objectif la régulation du nombre de personnes détenues permettant au final de créer un nombre minimum de places supplémentaires de prison ».

Manifestations et lobbying

Si les débats au Sénat pourraient se cristalliser autour des questions budgétaires et de ce volet pénal, les organisations professionnelles redoutent le vote du texte sans modification majeure. « Nous n’ignorons pas que le Parlement a une majorité En Marche et que l’exécutif réintroduira ces mesures à l’Assemblée même si les sénateurs décident de les supprimer », reconnaît Marc Lifchitz.

Plusieurs rassemblements sont prévus ce mardi devant le Sénat pour protester contre ce projet de loi réunissant les ordres des avocats et plusieurs syndicats. « On ne se fait pas beaucoup d’illusion, on a bien vu comment se sont passés les débats sur la loi Asile et immigration, les professionnels n’ont pas été entendus, ajoute Juliane Pinsard, mais on espère que notre mobilisation permettra à la société civile de mesurer les conséquences très concrètes portées par cette réforme ».