Pau: Après les vidéos glaçantes de L214, le procès d’un abattoir bio s'ouvre ce lundi à Pau
JUSTICE•A partir de ce lundi, l’ex-directeur de l’abattoir de Mauléon-Licharre dans les Pyrénées Atlantiques, aujourd’hui à la retraite, et quatre employés sont poursuivis pour des manquements à la réglementation et des gestes de maltraitance animale…Elsa Provenzano
L'essentiel
- L’association L214 a diffusé au printemps 2016 des images captées à l’intérieur de l’abattoir de Mauléon-Licharre qui ont choqué l’opinion publique.
- Ce lundi s’ouvre à Pau le procès de l’abattoir poursuivi pour des pratiques d’abattage illégales et des actes de cruauté, après une plainte déposée par l’association L214.
- L’ex-directeur de l’établissement, aujourd’hui à la retraite, et quatre employés sont poursuivis pour 195 infractions au total.
En mars 2016, la France découvrait les images glaçantes captées par l'association L214 au sein de l’abattoir du pays de Soule à Mauléon-Licharre certifié bio et qui met en avant le Label Rouge et l’IGP (indication géographique protégée). On y voit des bovins, veaux et agneaux de lait qui n’y sont pas étourdis suffisamment et reprennent conscience alors qu’ils sont suspendus pour la saignée ou même prêts à être découpés.
L’association de défense des animaux a porté plainte contre l’abattoir, relevant de nombreuses entorses à la réglementation mais aussi des actes de cruauté. Le procès s’ouvre ce lundi devant le tribunal correctionnel de Pau.
195 infractions
C’est le second procès qui fait suite à la diffusion d’images enregistrées en caméra cachée par la très active association L214. Le premier a été celui de l’abattoir du Vigan, dans le Gard, et a abouti à la condamnation à huit mois avec sursis du principal prévenu. « Ici, l’abattoir du pays de la Soule est poursuivi pour 195 infractions et l’ex-directeur et quatre employés sont prévenus : il y a une force du nombre », commente Maître Caroline Lanty, conseil de l’association L214.
Les vidéos ont été soigneusement passées au crible par des spécialistes informatiques de la police, qui ont vérifié l’absence de montage ou de séquençage. Ils ont vérifié la cohérence des images sur lesquelles repose le procès et ont permis de « crédibiliser les plaintes », relève l’avocate.
L’ex directeur de l’abattoir Gérard Clemente, aujourd’hui à la retraite, s’était déclaré surpris après la diffusion des images. « Il a dit qu’il découvrait et a invoqué des comportements individuels mais il était informé de beaucoup de choses », estime maître Caroline Lanty. Le conseil de Gérard Clémente, Denise Pombieilh, n’a pas donné suite aux sollicitations de 20 Minutes.
« L’excuse de la cadence est facile »
Les images ont été prises avant Pâques et l’ancien directeur s’était défendu en pointant les cadences à tenir pour répondre à la demande en cette période. « L’excuse de la cadence est facile, on ne peut pas parler de cadence industrielle dans cet abattoir [une petite structure d’une trentaine de salariés], réagit maître Caroline Lanty. Il y a des règles dans l’abattage et on sait que saigner un animal en pleine conscience provoque des douleurs très vives ».
Quatre salariés de l’abattoir sont poursuivis pour des actes de cruauté. « Il y a des comportements individuels qui sont en cause, détaille le conseil de l’association L214. Sur les images, on voit des pinces électriques appliquées sur les yeux et les oreilles des bêtes et des gestes d’énervement des salariés. » Les animaux prêts à être abattus, qui n’ont ni bu ni mangé depuis un moment et entendent leurs congénères souffrir sont alors particulièrement vulnérables et sensibles, souligne L214..
L’association met aussi en avant la tromperie du consommateur, notamment parce que l’abattoir utilisait un l’aiguillon électrique sur les animaux, interdit dans les cahiers des charges des labels mis en avant par l’abattoir.
A la suite de la diffusion des vidéos captées dans l’abattoir de Mauléon-Licharre, l’activité de celui-ci avait été suspendue et le ministre de l’Agriculture avait demandé une inspection à l'échelle nationale des abattoirs. Celle-ci avait montré des dysfonctionnements dans 80 % des abattoirs. A l’heure actuelle, les services vétérinaires ne contrôlent la chaîne d’abattage qu’après le décès des bêtes. « Il faudrait qu’ils s’intéressent à ce qui se passe ante mortem », souligne le conseil de L214. L’association espère que ce procès permettra d’avancer vers une politique de protection animale plus ambitieuse.
Les débats se tiendront jusqu’à mardi.