PROCESClément Méric a-t-il été frappé à l’aide d’un poing américain?

Procès Clément Méric: L'utilisation d'un poing américain pendant la bagarre remise en cause par deux experts

PROCESCe jeudi matin, deux experts ont émis de sérieux doutes sur l’usage d’un poing américain dans la bagarre qui a conduit, en juin 2013, à la mort de Clément Méric…
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Depuis lundi, trois hommes comparaissent devant la cour d’assises de Paris pour la mort de Clément Méric en 2013. Deux des trois accusés risquent 20 ans de réclusion criminelle.
  • L’enjeu de l’audition des experts réside non pas tant de savoir de quoi est décédé le jeune antifa – tous s’accordent pour dire que des coups de poing portés au visage ont provoqué un œdème cérébral diffus – mais la nature de ces violences. Un poing américain a-t-il été utilisé ?
  • Lors de l’enquête de police, plusieurs témoins signalent avoir aperçu un poing américain ou un objet métallique à la main d’Esteban Morillo.

Ils regardent, presque immobiles, les photos de l’autopsie défiler sur les écrans de la cour d’assises de Paris. Le visage juvénile de leur fils, Clément Méric, tué lors d’une bagarre en juin 2013, apparaît sous différents angles. Des marques rouges sur chaque joue, une plaie au niveau du nez, une seconde à l’arrière du crâne. En dépit des conseils de la présidente, les parents du militant antifasciste ont choisi de rester dans la salle d’audience. Depuis mardi, trois skinheads sont jugés pour la mort de l’étudiant de 18 ans. Deux d’entre eux, Esteban Morillo et Samuel Dufour, comparaissent pour des « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, en réunion et avec armes ».

Au troisième jour du procès, la cour a entendu les premiers experts médicaux. L’enjeu dans cette affaire n’est pas tant de savoir de quoi est décédé le jeune antifa – tous s’accordent pour dire que des coups de poing portés au visage ont provoqué un œdème cérébral diffus – mais la nature de ces violences. Combien de fois Clément Méric a-t-il été frappé ? Y a-t-il eu usage d’une arme, en l’occurrence un poing américain ? Mercredi, le directeur d’enquête de la brigade criminelle rappelait à la barre que sur les onze témoins de la rixe, cinq ont aperçu un poing américain ou un objet métallique à la main d’Esteban Morillo. « Cinq personnes, ce n’est pas anodin », a-t-il assuré. C’est d’ailleurs la thèse des juges d’instruction qui ont retenu la circonstance aggravante de violences avec « arme ».

« Un objet métallique qui défonce »

Le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie au lendemain de la mort du jeune homme s’est pourtant montré très sceptique. « Il n’est pas possible d’affirmer l’utilisation d’un coup de poing américain », a martelé l’expert. A ses yeux, l’arme aurait automatiquement entraîné une fracture du nez ou de la zone temporale. Or, il n’en a relevé aucune, contrairement à d’autres experts qui seront entendus dans les jours à venir. « Un coup de poing américain, c’est un objet métallique qui défonce », lâche-t-il, visiblement agacé d’être sous le feu des questions. Quid de cette plaie de près de deux centimètres sur l’aile du nez ? « Peut-elle avoir été causée à main nue ? », l’interroge l’avocat général. C’est possible, selon lui, « la peau étant fine à cet endroit, elle éclate ».

Une seconde experte est venue conforter son analyse. A partir des photos de l’autopsie et du compte rendu d’analyse, elle n’a pas relevé « d’empreintes géométriques » évocatrices d’un poing américain. En revanche, ces marques peuvent avoir été provoquées par des bagues.

Le poing américain, un des enjeux du procès

C’est bien là toute la difficulté du dossier. Le principal accusé Esteban Morillo a reconnu avoir porté deux coups mais à main nue. Quant à Samuel Dufour, il portait des bagues imposantes – l’une représentant une tête de cochon, l’autre une tête de mort – mais a toujours nié avoir frappé Clément Méric. Une version des faits notamment confirmée par l’un des amis de la victime.

L’utilisation de ce poing américain est l’un des enjeux du procès. D’abord parce que si l’usage d’une telle arme est établi, il sera difficile pour la défense de plaider la légitime défense. Ensuite, parce que si on exclut l’usage de cette arme, la peine encourue passe de 20 ans de réclusion criminelle à 15 ans.