Non dénonciation d’actes pédophiles: Le cardinal Barbarin jugé le 7 janvier mais pas tous les prévenus
RELIGON•Le tribunal a confirmé la date du procès ce lundi mais le Prélat du Vatican pourrait échapper au procès…Caroline Girardon
L'essentiel
- Le tribunal correctionnel de Lyon a confirmé lundi la date du procès du cardinal Barbarin pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs. A savoir le 7 janvier 2019.
- Sur les six autres prévenus, cités à comparaître pour les mêmes raisons, l’un pourrait échapper au procès. Il s’agit de Luis Ladaria, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican. « Le maillon haut » de la hiérarchie, selon les victimes.
Le procès du cardinal Barbarin se tiendra bien le 7 janvier. A moins d’un improbable retournement de situation. La date a été confirmée ce lundi par le tribunal correctionnel de Lyon. L’archevêque de Lyon, poursuivi par les victimes présumées du père Preynat, devra répondre de non-dénonciation d’agressions sexuelles sur des mineurs. Des faits perpétrés dans les années 1980 et 1990, dont il dit avoir eu connaissance au milieu des années 2000. Mais des six autres prévenus, cités pour les mêmes raisons, tous ne comparaîtront pas. 20 Minutes vous explique pourquoi.
Qui doit comparaître ?
Thierry Brac-de-la Perrière, évêque auxiliaire de Lyon entre 2003 et 2011, est également visé par la procédure. Au même titre que Pierre Durieux, ancien directeur de cabinet de Monseigneur Barbarin, Régine Maire, qui était chargée de la cellule d’aide aux victimes de prêtres dans le diocèse, Xavier Grillon, le vicaire épiscopal du Roannais (supérieur hiérarchique direct du père Preynat), l’archevêque d’Auch Maurice Gardès et Luis Ladaria Ferrer, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican.
Ce dernier, qui fut consulté par le diocèse de Lyon sur le cas du père Bernard Preynat et qui a conseillé au cardinal de sanctionner le prêtre tout en évitant un scandale public, ne sera néanmoins pas jugé le 7 janvier. Et peut-être même jamais.
Pourquoi Luis Ladaria échappe à la procédure pour l’instant ?
Tout relève d’une citation à comparaître. La traduction de cette citation a été envoyée au Vatican. Elle a été transmise le 6 juin dernier. Après avoir passé les différentes voies diplomatiques, elle serait parvenue jusqu’à l’intéressé dans le courant de l’été. « Elle a bien été délivrée, nous le savons », assure Nadia Debbache, avocate de François Devaux, porte-parole de la Parole Libérée (association des victimes). « Mais le récépissé [portant la date du reçu du courrier] n’a jamais été retourné », poursuit-elle.
« Luis Ladaria en est informé, il sait qu’une procédure est engagée contre lui. Je ne sais pas si c’est du mépris, mais il y a manifestement une volonté de faire traîner les choses et de les taire. Que le Vatican prenne du temps pour étudier le dossier, on peut l’entendre mais qu’il ne transmette pas ce récépissé, c’est assez incompréhensible », enchaîne Nadia Debbache, estimant que cela « crée une vraie entrave à la justice française ». Sans récépissé, impossible que le tribunal puisse se saisir de ce cas. Et donc de le juger.
« On est dans l’incertitude totale de savoir si un jour, on aura ce retour », lâche Emmanuelle Haziza, avocate de l’une des victimes. Et donc de savoir si l’intéressé passera finalement devant le tribunal. « Quand il s’agit du Vatican, on dirait qu’il y a deux poids deux mesures. Cela veut dire que la justice française ne peut pas faire citer quelqu’un du Vatican », s’inquiète Nadia Debbache, dénonçant « une pratique courante de l’Eglise ».
Pourquoi les victimes auraient préféré que le procès soit décalé une nouvelle fois ?
« On ne peut pas juger l’ensemble des maillons de la hiérarchie, du plus petit au plus grand, en évinçant le maillon le plus haut. Pour moi, c’est un non-sens complet », répond Emmanuelle Haziza. « Ce n’est pas logique. Il ne peut pas être cité pour complicité de non-dénonciation et être éventuellement jugé seul », enchaîne François Deveaux, se demandant si la date du courrier du ministère des Affaires étrangères ayant délivré la citation « ne pourrait pas faire foi ». « C’est un double langage et le flou artistique le plus complet », estime Nadia Debbache.
Pourquoi le tribunal souhaite que le procès soit maintenu le 7 janvier ?
« On ne maîtrise pas les délais de retour du Vatican. La grande sagesse consisterait à éviter de repousser indéfiniment la date à laquelle l’affaire sera jugée sur le fond », argumente le procureur. Un point de vue partagé par les défenseurs du cardinal Barbarin.
« On attend qu’une seule chose qu’il soit jugé pour rétablir une vérité factuelle et juridique. On ne peut pas continuer des mois à alimenter ce procès en sorcellerie », estime Jean-Félix Luciani, l’avocat du Primat des Gaules. Et d’ajouter : « Cette citation est peut-être l’acte de trop. Elle ne doit pas être un prétexte pour repousser davantage le procès. Vous connaissez beaucoup de plaideurs, sûrs des faits, qui retardent l’échéance. A mon avis, ils sont peu confiants quant à l’issue. » Rappelons que le dossier Barbarin avait été classé sans-suite par le parquet avant que les victimes n'engagent cette procédure de citation à comparaître.