JUSTICENouveaux soupçons de violences policières au palais de justice de Paris

Paris: Un homme affirme avoir été passé à tabac par des policiers au palais de justice, une enquête ouverte

JUSTICEUne nouvelle plainte a été déposée pour des faits de violence policière au sein même du nouveau palais de justice de Paris. L'IGPN est saisie...
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Mohamed F. affirme avoir été violenté par un policier avant le début de son procès en comparution immédiate.
  • Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour violence volontaire.
  • Le policier incriminé à également porté plainte pour menace de mort et violence volontaire.

De mémoire d’avocats, deux plaintes pour des faits de violences policières au sein d’un même tribunal en moins de deux semaines, « c’est inédit ». Lundi soir, un jeune homme est apparu le visage tuméfié dans le box des prévenus du nouveau palais de justice de Paris. Il assure avoir été passé à tabac par un gardien de la paix alors qu’il attendait son procès. « Jamais nous n’avions été confrontés à cela dans l’ancien palais, sur l’île de la Cité, déplore Basile Ader, le vice-bâtonnier de Paris. Que de tels comportements puissent avoir lieu dans une enceinte de justice est scandaleux. » A la mi-juillet, déjà, le site Là-bas si j’y suis dévoilait la vidéo d’un policier frappant un prévenu menotté et à terre refusant de regagner sa cellule du dépôt au sein du même tribunal.

« Il nous a dit qu’il avait été frappé par un policier »

Cette fois, les faits se seraient produits dans un « satellite d’attente », une pièce accolée à la salle d’audience, dans laquelle les prévenus qui comparaissent détenus patientent avant leur procès. Mohamed F. devait être jugé lundi après-midi en comparution immédiate pour des faits de vols en réunion.

« Il y a une suspension d’audience le temps que le tribunal rende un délibéré dans une autre affaire, mon client devait être jugé juste après, explique l’un des avocats du jeune homme, Matthieu Juglar. Au bout de quelques minutes, on a entendu que ça s’agitait un peu à côté, ça criait, on sentait que l’atmosphère n’était pas sereine. » Lorsqu’il réapparaît dans le box, le prévenu a des ecchymoses au visage, l’arcade sourcilière ouverte et des traces de sang sur son tee-shirt. « Il semblait un peu hagard, il nous a dit qu’il avait été frappé par un policier alors qu’il se rendait aux toilettes », poursuit le conseil.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Deux enquêtes ouvertes

Une plainte est alors directement déposée auprès de la substitut du procureur présente dans la salle. Selon le récit de Mohamed F., le ton serait rapidement monté avec l’un gardien de la paix en charge de surveiller le « satellite d’attente » mais les violences auraient eu lieu un plus tard, aux toilettes. « Ici, c’est pas filmé, on va pouvoir s’expliquer. Pourquoi tu parles mal ? », lui aurait alors demandé le policier. Réponse de l’intéressé, toujours selon sa version des faits telle qu’elle est consignée dans la plainte : « Qu’est ce que tu veux ? Tu veux me frapper ? ». Mohamed F. explique ensuite que le fonctionnaire aurait enfilé des gants – qui n’ont pas été retrouvés – et lui aurait asséné quatre ou cinq coups au visage.

Selon Matthieu Juglar, lorsque son client est réapparu dans le box, les policiers présents semblaient « mal à l’aise » à propos de cette affaire. « Ils n’ont pas nié les faits, ils nous ont juste dit que leur collègue avait été blessé à la main. » Une enquête a été ouverte le soir même pour « violence volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique » et confiée à l’IGPN. Mais le policier mis en cause a livré une version tout autre et également porté plainte pour « violence volontaire et menace de mort sur personne dépositaire de l’autorité publique » confiée au commissariat du 17e arrondissement, précise le parquet de Paris.

Manque de formation des policiers ?

Si le nouveau palais de justice n’a déjà pas la cote auprès des avocats, ces deux affaires ne font qu’accroître le désamour des robes noires pour les Batignolles. « Dans l’ancien palais, la sécurité était assurée par les gendarmes. Les prévenus étaient les mêmes, les tâches aussi et pourtant ce genre d’incidents n’arrivait jamais », assure Julia Cancelier, l’une des avocates de la Conférence du barreau de Paris. Et ce, alors que les lieux étaient plus contigus et en mauvais état. L’association a d’ores et déjà prévu d’écrire au défenseur des droits ainsi qu’au contrôleur général des lieux de privation de liberté afin qu’ils mènent une enquête.

« Le déménagement ne remonte qu’au mois d’avril et, au-delà même de ces deux affaires, il y a eu déjà eu un nombre d’incidents importants », abonde Basile Ader. Et de rappeler que pendant le mouvement contre les box vitrés, certains avocats se sont vus refuser l’entrée dans les salles concernées. Le public a parfois été interdit d’assister à une audience alors qu’elles sont, sauf exception, ouvertes à tous. « Il y a un manque de formation et de connaissances de ces fonctions », pointe le vice-bâtonnier de Paris. Les tâches au sein d’un palais sont spécifiques et ne sont pas forcément enseignées lors de la formation des gardiens de la paix.

En attendant que toute la lumière soit faite sur cette affaire, Mohamed F. est retourné en détention provisoire à Fleury-Mérogis. Le tribunal n’a pas accédé à la demande de nullité de sa comparution et à sa remise en liberté formulée par ses conseils. Un nouveau procès est prévu le 31 juillet.