ANTISEMITISMEAgression sur fond d'antisémitisme à Créteil, l'impossible reconstruction

Agression sur fond d'antisémitisme à Créteil: «J’espère que ça ne va pas finir comme Ilan Halimi»

ANTISEMITISMEEn 2014, Jonathan et son ex-compagne ont été victimes d'une violente agression alors qu'ils se trouvaient chez ses parents...
20 Minutes avec AFP

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Jonathan n’a « aucun doute » : il a été « attaqué parce que juif ». Le jeune homme, aujourd’hui âgé de 25 ans, a raconté ce vendredi devant la cour d’assises de Créteil la violente agression dont il a été victime en 2014 alors qu’il se trouvait avec son ancienne campagne chez ses parents. Cheveux tirés en arrière, costume gris clair, il raconte à la barre l’agression qui « a détruit » sa vie, d’une voix neutre, sans laisser transparaître ses émotions.

Le 1er décembre 2014, trois hommes - dont l’un est sous le coup d’un mandat d’arrêt - se sont introduits de force, cagoulés et armés, chez lui. « Ils nous disent surtout vous ne criez pas ». « Je leur dis il n’y a rien ici, mes parents sont à la retraite, mon frère est vendeur ». Ses agresseurs, persuadés qu’il y a de l’argent liquide caché dans l’appartement, refusent de le croire. Ils en donnent pour preuve le fait que le père de Jonathan va à la synagogue avec « un rond sur la tête » et qu’il conduit une Mercedes.

Le canon de l’arme dans la bouche

Ils menacent de le « buter », lui enfoncent le canon de l’arme dans la bouche. « On sait que les juifs ont de l’argent », s’entend dire Jonathan. Le jeune homme attribue les propos véhéments et antisémites à l’accusé en fuite. Ceux qui sont aujourd’hui derrière le box et écoutent tête légèrement baissée « ne disent rien, mais j’ai l’impression qu’ils sont d’accord », dit Jonathan.

Très vite, la pression monte : « Ils s’énervent parce qu’ils ne trouvent pas ce qu’ils cherchent ». Ils hésitent à attendre le retour des « vieux juifs » pour « les défoncer », qu’ils révèlent enfin où est l’argent. Jonathan et sa compagne sont ligotés, bâillonnés avec de l’adhésif. Laurine a « du mal à respirer, elle suffoquait beaucoup, elle pleurait ».

« Je pense que je vais mourir »

Lui est allongé au sol, dans le salon. « Je sens qu’on remonte mon t-shirt, et je sens des trucs qui me tombent dessus ». Son agresseur (l’accusé en fuite selon Jonathan) lui lâche des couteaux d’argenterie sur le dos. « C’est pour mes frères en Palestine », lui assène-t-il. Puis les agresseurs se mettent à décrocher des photographies de rabbins accrochés au mur, jettent à terre des symboles religieux, cassent des mezouzas (rouleau de parchemin) en deux.

« Je commence vraiment à paniquer », dit celui qui n’a alors « plus de doute » sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un simple cambriolage. « Je pense que je vais mourir. J’espère juste que ça ne va pas finir comme Ilan Halimi », jeune juif enlevé et tué en 2006 après trois semaines de tortures par un gang qui espérait une rançon.

Une vie brisée

L’agression a « brisé » sa vie, dit Jonathan. Il a perdu son travail, s’est séparé de sa compagne. Aujourd’hui il est « obsédé par la sécurité » : en plus des caméras et alarme qu’il a fait installer chez lui, l’accès à son domicile se fait par reconnaissance d’empreinte digitale.

Il raconte également sa culpabilité par rapport à son ex-compagne, violée par l’un des agresseurs. Quand ils quittent enfin l’appartement après une heure et demie, il l’a retrouvée, toujours ligotée, sur le lit. « Ça n’était plus elle. Elle tremblait de tout son corps ». L’audition de Laurine, qui avait 19 ans au moment des faits, s’est elle déroulée à huis clos, à sa demande. « Elle a pleuré, elle a eu besoin de s’assoir, elle a fait un malaise à l’issue de son audition, mais elle a réussi à raconter tous les faits de bout en bout », a déclaré son avocate Louise Bouchain.