PROCESLa «vie gâchée» d'une des victimes de l'agression antisémite de Créteil

Agression antisémite à Créteil: «Le sentiment que vous avez, c'est que votre vie est gâchée», avoue Jonathan l'une des victimes

PROCESCinq hommes, dont l’un est actuellement en fuite, sont jugés devant la cour d’assises du Val-de-Marne pour l’agression ultra-violente d’un jeune couple, persuadés qu’ils étaient riches car de confession juive...
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Cinq hommes, dont l’un est sous mandat d’arrêt, sont jugés devant la cour d’assises de Créteil pour une agression antisémite.
  • L’un d’eux est également poursuivi pour « viol ».
  • Le verdict est attendu le 9 juillet.

Trois ans et demi après les faits, Laurine ne peut ravaler ses sanglots en entendant le président de la cour d’assises de Créteil évoquer l’agression ultra-violente suivie du viol qu’elle a subi chez les parents de son ancien petit-ami, Jonathan. « Être ici, face à eux, ça ravive la douleur », renchérit ce dernier lors d’une suspension d’audience. Face à eux, dans le box des accusés, quatre hommes âgés de 22 à 26 ans, comparaissent pour vol à main armée, extorsion, séquestration et violence en raison de l’appartenance de la victime à une religion. L’un d’entre eux est également jugé pour «viol». Un cinquième homme, en fuite, est sous le coup d’un mandat d’arrêt. Tous encourent jusqu’à trente ans de réclusion criminelle.

« Les juifs, ça met pas l’argent à la banque »

Les faits remontent au 1er décembre 2014. Laurine et Jonathan, alors âgés de 19 et 21 ans, se trouvent seuls dans l’appartement familial lorsqu’un homme sonne à la porte. A peine la jeune femme a-t-elle ouvert que trois individus cagoulés et armés s’y engouffrent. Chaque pièce est fouillée de fond en comble à la recherche d’argent, Jonathan frappé à plusieurs reprises. « Les juifs, ça met pas l’argent à la banque », assène l’un des agresseurs. Ils affirment savoir que la famille est de confession juive car ils ont vu le père de Jonathan se rendre à la synagogue avec un « truc sur la tête » (une kippa).

Le jeune homme est ligoté, menacé avec le canon d'un pistolet dans la bouche, tandis que sa compagne est emmenée dans une chambre où l’un des accusés lui fait subir un viol digital. Le montant du butin est dérisoire au regard du déchaînement de violence : 55 euros en liquide, 480 euros extorqués sur le compte de Jonathan, deux portables, quelques bijoux et du matériel informatique.

« Je suis déçu et très en colère »

« Le sentiment que vous avez au fond de vous c'est que votre vie est gâchée », confie Jonathan, vêtu d’un élégant costume bleu sur lequel un drapeau français est épinglé. Le temps n’a pas apaisé la douleur et l’effroi. Le jeune homme peine à se reconstruire, à s’imaginer un avenir depuis l’agression. Ce mardi, il oscille entre la satisfaction de voir juger ses agresseurs présumés, de pouvoir enfin mettre des visages sur des noms et le sentiment que ces derniers prennent le procès à la légère. « Je suis déçu et très en colère de voir que les accusés discutent entre eux et échangent comme si c’était des retrouvailles. » Son audition, tout comme celui de son ex-petite amie, est prévue pour la fin de la semaine.

Au premier jour du procès, la cour s’est avant tout attachée à dessiner la personnalité des quatre accusés, tous sont originaires de Créteil ou de la ville voisine de Bonneuil. Si certains reconnaissent avoir pris part à l’agression de Laurine et Jonathan, tous nient avoir ciblé leurs victimes parce qu’elles étaient juives et attribuent les propos antisémites à l’accusé en fuite. Au cours de l’instruction, ils ont affirmé avoir choisi la famille parce qu’ils estimaient qu’elle avait de l’argent. Lors de l’agression, l’un d’eux a d’ailleurs fait référence à la « Mercedes » du père de Jonathan. Au terme de l’enquête, la juge d’instruction avait abandonné le caractère antisémite avant de le rétablir après l’appel du parquet.

Le procès est prévu pour durer jusqu’au 9 juillet.