Meurtre d’un couturier chinois à Aubervilliers: Deux hommes jugés par la cour d’assises des mineurs
PROCES•Le meurtre de Chaolin Zhang est devenu le symbole de la stigmatisation de la communauté asiatique…Caroline Politi
L'essentiel
- Chaolin Zhang et son ami Keshou Ren ont été agressés alors qu’il se rendait au restaurant. Chaolin est mort cinq jours après l’agression où il avait reçu un coup dans le larynx avant que sa tête ne heurte un mur.
- Leurs agresseurs ont reconnu les faits mais nient la dimension raciste.
- Le procès doit se terminer le 19 juin.
«Il y a un avant et un après. Ce meurtre, ça nous a fait prendre conscience qu’on pouvait être tué pour rien, juste parce qu’on est asiatique », confie Tamara Lui, membre du comité de soutien de la famille de Chaolin Zhang. Le 8 août 2016, ce ressortissant chinois de 49 ans, père de deux grands enfants, a été tué alors qu’il se rendait au restaurant avec un ami, Keshou Ren, à Aubervilliers. Chaolin Zhang a reçu un coup d’une violence telle qu’elle lui a fracturé le larynx et l’a déséquilibré. Dans sa chute, sa tête a heurté un muret provoquant de multiples fractures au niveau du crâne. Il est décédé cinq jours plus tard à l’hôpital. Son ami, victime de multiples contusions, s’est vu prescrire sept jours d’interruption totale de travail. Une agression dramatique pour un but dérisoire : le vol d’une sacoche qui ne contenait qu’un paquet de cigarettes, quelques bonbons et une batterie externe.
Deux jeunes hommes sont jugés à partir de ce vendredi pour « vol avec violences ayant entraîné la mort » ainsi qu’une « ITT inférieure à huit jours » devant la cour d’assises des mineurs de Bobigny car l’un des deux était âgé de 17 ans au moment des faits, le second de 19 ans. La circonstance aggravante de racisme a finalement été retenue au cours de l’instruction. En novembre dernier, un mineur de 15 ans a déjà été condamné à cinq ans de prison dont trois avec sursis par le tribunal pour enfants de Bobigny. « Ces deux procès [liés à l’âge des accusés] sont une violence supplémentaire pour la famille qui sera une nouvelle fois confrontée aux agresseurs de leur père et ami », confie Vincent Fillola, l’avocat des parties civiles.
« Dims le Meurtrier », surnom de l’un des agresseurs sur sa chaîne YouTube
Confondu près d’un mois après l’agression grâce à un témoignage anonyme – un jeune d’une cité voisine se vantait d’être l’auteur du meurtre – et par des images de vidéosurveillance, le trio a rapidement reconnu les faits. Le plus âgé, qui se fait surnommer « Dims le Meurtrier » sur sa chaîne YouTube, a admis avoir porté le coup fatal. L’homme est loin d’être un inconnu des services et de police et de justice : son casier comporte 23 mentions, dont plusieurs pour vols avec violence sur des Asiatiques. Son complice de 17 ans a ceinturé violemment Keshou Ren, tandis que le plus jeune a reconnu s’être emparé de la pochette.
Mais lors du procès, qui se tiendra à huis clos en raison de la minorité d’un des accusés au moment des faits, ce n’est pas tant les responsabilités des uns et des autres que la circonstance aggravante de racisme qui devrait être discutée. La victime blessée pendant l’agression assure avoir entendu les mots « chinois » et « argent ». L’un d’eux a reconnu en garde à vue que les victimes ont été choisies car « les personnes asiatiques ont plus d’argent ». « C’est un crime vénal sous-tendu par un préjugé raciste », estime Me Vincent Fillola. L’avocat d’un des accusés, Steeve Ruben, y voit plutôt un vol de proximité qui aurait mal tourné. « Le fait que la victime soit asiatique n’est pas déterminant. Ils s’en sont pris à elle parce qu’il avait une pochette, ils n’ont rien contre cette communauté. »
« Il y a eu une prise de conscience après ce meurtre »
Les deux accusés risquent la perpétuité. Le verdict, attendu le 19 juin, devrait être suivi de près par la communauté chinoise que cette affaire avait bouleversée. Après la mort du couturier, quelque 16.000 personnes ont manifesté dans Paris pour dénoncer les violences dont est régulièrement victime la communauté asiatique. « Il y a eu une prise de conscience après ce meurtre. On s’est dit qu’il fallait qu’on s’organise pour améliorer notre sécurité », assure Tamara Liu. Des tournées ont, par exemple, été organisées autour du métro la nuit. Des groupes ont été également été mis en place pour qu’aucun membre de la communauté ne rentre seul le soir. « C’est triste, mais c’est la seule manière qu’on a trouvée pour se sentir protéger. »