JUSTICELa famille d'Anne-Laure, tuée par un chauffard, attaque le juge

Délit de fuite à Lyon: La famille d'Anne-Laure, tuée par un chauffard, et son amie attaquent le juge d'instruction

JUSTICELe magistrat, chargé de l’enquête, a refusé de mettre en examen les autres passagers du véhicule, comme l’exigeaient le parquet et la chambre d’instruction…
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Le 23 octobre 2016, Anne-Laure et Julie avaient été fauchées par un chauffard ivre, qui roulait à vive allure après avoir grillé plusieurs feux.
  • Deux occupants de la voiture, qui avaient tenté de se faire passer pour des victimes au lieu de porter secours aux jeunes femmes, n’ont pas été poursuivis.
  • La famille d’Anne-Laure Moreno et son amie Julie ont saisi le conseil supérieur de la magistrature pour désavouer le juge d’instruction qui a refusé de mettre en examen les passagers du véhicule, comme l’exigeait la chambre d’instruction.

Une colère profonde. Un sentiment de révolte indescriptible. Le cas est suffisamment rare pour le souligner : les parents d’Anne-Laure Moreno, tuée par un chauffard ivre le 23 octobre 2016 cours Vitton à Lyon, et Julie, l’amie de la jeune femme, elle aussi fauchée par le conducteur qui roulait à vive allure après avoir grillé plusieurs feux, viennent de saisir le conseil supérieur de la magistrature pour désavouer le juge d’instruction, chargé de l’enquête.

« Cette instance ne contrôle pas directement le travail des magistrats mais leur déontologie. Depuis l’affaire d’Outreau, les justiciables ont la possibilité de saisir le conseil. Ce que nous avons fait, car nous estimons que ce juge d’instruction a travaillé insuffisamment », explique en préambule Laurent Bohé, avocat de la famille, confirmant ainsi une information du Progrès. « L’enquête a même été complètement bâclée », appuie Eric Moreno, le père de la défunte.

Refus d’appliquer la décision de la chambre d’instruction

Le refus du juge d’appliquer les mesures demandées par la chambre d’instruction a mis le feu aux poudres. Cette dernière avait exigé que deux occupants de la voiture, qui avaient tenté de se faire passer pour des victimes le soir du drame au lieu de porter secours aux deux jeunes femmes, soient également mis en examen dans l’affaire. Au même titre que le conducteur et le quatrième passager. Le juge d’instruction a refusé.

« C’est totalement inhabituel et réellement surprenant. Lorsque la chambre d’instruction rend une décision, on n’a pas d’autre choix que de l’appliquer », lâche Laurent Bohé. « En résumé, il fait ce qu’il veut mais ce n’est pas possible. Pourquoi ne respecte-t-il pas les ordres ? Dans une entreprise privée, vous êtes virés pour cela », s’insurge Eric Moreno, profondément chagriné de n’avoir même jamais été reçu par le juge d’instruction malgré ses nombreuses demandes.

« J’ai le sentiment d’avoir la justice contre nous »

« Il ne reste que le gros poisson. Tous les autres sont passés à travers les mailles du filet. C’est d’autant plus aberrant que l’enquête met en exergue dès le départ le comportement délinquant des autres passagers », ajoute l’avocat. Julie, elle aussi, ne comprend pas. La jeune femme qui a passé plusieurs mois sur un lit d’hôpital, a pu consulter le dossier.

« Le juge avait tous les éléments nécessaires pour les mettre en examen. Les relevés téléphoniques attestent qu’ils ont appelé leurs copains pour organiser leur fuite. Tout le monde le sait : ils ont menti et nous ont abandonnées », rappelle-t-elle. Sans parler de la propriétaire de la voiture. Une copine du groupe qui leur avait prêté son véhicule afin qu’ils puissent aller à Lyon arroser l’enlèvement d’un bracelet électronique. Le lendemain de l’accident, elle a tout simplement menti à l’assurance, affirmant que sa voiture avait été volée.

Le procès repoussé ?

« J’ai le sentiment d’avoir la justice contre nous. C’est insupportable et scandaleux. Cela ne fait que renforcer notre souffrance », enrage Julie. « Épuisée psychologiquement et moralement », la jeune femme redoute que le procès soit encore repoussé. Eric Moreno aussi. « On ne peut plus perdre de temps. Dans deux mois, le conducteur sortira de prison car il aura fait une année de préventive », lâche-t-il.

Laurent Bohé reste toutefois optimiste : « La cour d’appel va sûrement mettre en examen les passagers ou désigner un autre magistrat pour le faire. On peut imaginer qu’une audience intervienne dans les semaines à venir ». « On va continuer à se battre mais c’est à se demander si cette personne n’a jamais vécu un tel drame pour ne pas se rendre compte à tel point c’est douloureux pour nous… », conclut Julie.