PROCESLe calvaire de Géraldine, tuée par son mari le jour de la fête des mères

Lyon: Le calvaire de Géraldine, tuée par son mari le jour de la fête des mères

PROCESNafez Shehadeh est jugé jusqu’à mercredi devant la cour d’assises du Rhône pour avoir tué sa femme le 29 mai 2016. La police, inquiète de ne pas voir les trois enfants, avait lancé une alerte enlèvement après la découverte du corps…
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Nafez Shehadeh est jugé jusqu’à mercredi devant la cour d’assises du Rhône pour le meurtre de sa compagne Géraldine.
  • La mère de famille de 39 ans a été tuée le 29 mai 2016, dix jours après avoir quitté l’accusé.
  • Le jour du drame, elle était venue chercher leurs enfants pour aller manger chez ses parents et célébrer la fête des mères.

Elle était une « super maman » selon ses collègues de travail. Un « modèle ». Une « chouette fille qui a eu une vie malheureuse ». Le destin de Géraldine, 39 ans, s’est brutalement arrêté le 29 mai 2016, le jour de la fête des mères. Son compagnon Nafez Shehadeh, qui a avoué l'avoir tué, est jugé jusqu’à mercredi devant la cour d’assises du Rhône.

Dans le box des accusés, l’homme ne bronche pas. Calme. C’est là tout le paradoxe. Les témoins s’enchaînent à la barre au deuxième jour du procès. Les coups ? Ils n’en ont jamais vu. Certains ont pourtant douté le jour où Géraldine est arrivée au conseil régional d’Auvergne Rhône-Alpes avec une paire de lunettes masquant un hématome au niveau de la tempe. Un accident, avait-elle répondu, précisant qu’elle s’était cognée contre une porte.

Un homme « cultivé » et « bien éduqué »

« Au début, Géraldine se confiait peu », avoue une ancienne collègue de travail. Elle était « amoureuse », follement amoureuse même. Elle était littéralement sous le charme de Nafez, rencontré plus de dix ans auparavant à un cours de danse. « Elle le trouvait beau et très charismatique ». Elle n’était pas la seule. « Il était doux, cultivé, bien éduqué », abonde un ami de l’accusé, qui n'« a jamais rien vu de négatif ». « Au contraire, ils avaient une belle complicité. »

« Mais l’un n’empêche pas l’autre. On peut être bien éduqué, avoir des valeurs familiales et être violent », rappelle une travailleuse sociale que Géraldine, déterminée à fuir l’emprise de son mari, avait rencontrée à deux reprises. Cinq mois avant de mourir, la jeune mère de famille était allée toquer à la porte d’une association venant en aide aux femmes victimes de violences. Avide de conseils, elle s’était livrée avec « anxiété », préparant son départ.

« Tu ne te rends pas compte, il va me tuer »

« Elle n’avait pas voulu donner son nom de famille, ni le prénom de ses enfants. Elle souhaitait que je la recontacte à son bureau et non chez elle. Elle avait peur », poursuit l’assistante sociale. Peur que son mari ne découvre ses intentions. « Elle m’a dit ce jour-là : tu ne te rends pas compte. Il va me tuer. Cette phrase n’avait rien d’anodin. Ce n’était pas une banalité », témoigne l’une de ses collègues.

Malgré tout, Géraldine souhaitait que les enfants puissent continuer de voir leur père, rappellent les nombreux témoins, mettant ainsi à mal la théorie de la défense. Un père certes « aimant et présent » mais « exigeant, rigide » et souvent « dur ».

« Elle n’en pouvait plus. Elle m’a parlé de toutes les maltraitances psychologiques qu’elle avait subies », enchaîne Carole, contactée par son amie la veille du drame. Géraldine, ne « supportant plus d’être rabaissée », ni de voir son mari fouiller dans sa boîte mail ou son téléphone portable, lui apprend qu’elle a quitté Nafez dix jours avant. « Elle a pu avoir dix jours de liberté », souffle une collègue au bord des larmes. Une parenthèse éphémère, le début d’une nouvelle vie qu’elle avait soigneusement préparée en toute discrétion. « Elle avait contacté une banque pour se faire livrer une carte bleue au bureau. Elle exultait car pour la première fois, elle avait pu payer une boisson à ses trois enfants. »

Au travail, les signes ne trompent pas. Des détails avaient déjà éveillé la suspicion et écorné l’image du beau Nafez. « Elle me faisait de la peine. Elle n’avait jamais d’argent sur elle. On savait qu’elle était obligée de lui demander des tickets restaurants pour manger le midi », confie une ancienne collègue. Sa mère lui achète même son tabac à rouler. Ou ses vêtements le jour des soldes. Elle emprunte parfois des petites sommes pour aller à la pharmacie. Ou acheter un morceau de viande. « Un jour, elle a dû se justifier d’avoir dépensé 11,50 euros. » Géraldine se livre désormais pendant les pauses cigarettes.

« Elle ne pouvait pas manger avec des hommes »

« Son mari était très jaloux. Elle ne pouvait pas manger avec des hommes. Il l’appelait pour savoir avec qui elle déjeunait », glisse l’une de ses confidentes. « Elle n’avait pas le droit de monter dans une voiture s’il avait un homme à bord », ajoute une amie. À l’abri des oreilles indiscrètes, la mère de famille déguste, encaisse en silence les insultes et les humiliations. « Pour lui, elle était une merde », soulignent les témoins ayant recueilli les confidences de l’intéressée, qui leur a raconté à plusieurs reprises ce jour en 2006 où son amoureux l’a poursuivi avec un couteau, la contraignant à se réfugier dans la salle de bains. Cette fois-là, où il aurait cassé une chaise sur elle.

Le matin du 29 mai 2016, Géraldine téléphone à Gabrielle, son amie d’enfance qu’elle n’avait pas revue depuis des années. Comme un signe prémonitoire. Deux heures avant de mourir, elle lui raconte alors son calvaire, écourtant ainsi l’appel pour aller chercher les enfants chez leur père. Ce jour-là, elle doit manger chez ses parents pour la fête des mères. Elle ne viendra jamais.

Son père, inquiet de ne pas la voir arriver, se rend au domicile de son gendre. Et la découvre gisant dans une mare de sang, le crâne fracassé, le visage tuméfié, la gorge perforée. Les petits sont chez la tante depuis la veille au soir. Personne ne le sait. La police lance une alerte enlèvement. Pendant ce temps, Nafez, lui, savoure un steak chez un ami…