VIDEO. Soupçons de financement libyen: Pourquoi Sarkozy va encore taper sur Takieddine sur TF1 ce soir?
ENQUÊTE•Mis en examen mercredi, Nicolas Sarkozy va s’exprimer sur TF1, ce jeudi soir, et s’en prendre très certainement à son principal accusateur…Vincent Vantighem
L'essentiel
- Nicolas Sarkozy a été mis en examen mercredi soir dans l’affaire du financement libyen.
- L’homme d’affaires Ziad Takieddine prétend lui avoir remis des valises de cash.
- Les juges disposent aussi d’autres indices et témoignages dans le dossier.
«Vu sa parole, je ne lui prêterais pas 100 balles… », se marre un fin connaisseur du dossier. Ziad Takieddine n’en a pas besoin... Ce jeudi soir, c’est sans doute confortablement installé dans son hôtel particulier de 700 m² du XVIe arrondissement de Paris que le riche homme d’affaires franco-libanais risque de regarder Nicolas Sarkozy l’éreinter, en direct, sur le plateau du 20h de TF1.
Mis en examen dans l’affaire du financement libyen, l’ancien président de la République n’a pas attendu de passer à la télévision pour s’en prendre à son principal accusateur. « Menteur », « manipulateur », « hautement suspect », Nicolas Sarkozy a plus souvent prononcé le nom de Takieddine (15 fois) que celui de Kadhafi (11 fois) dans la déclaration liminaire qu’il a livrée , selon Le Figaro, mercredi soir, aux trois juges à l’issue de sa garde à vue.
Quand « Tak » charge Sarkozy depuis son salon doré
Sans doute car il considère « Tak », 67 ans aujourd’hui, comme le responsable de tous ses malheurs. Malheurs, qu’il a même tenu à lister aux juges. « L’enfer de la calomnie » : c’est lui. Sa défaite « à 1,5 % » lors de la présidentielle de 2012 : encore lui (et un peu Kadhafi aussi). Celle à la primaire de la droite en 2016 : toujours lui !
Sur ce dernier point, il en veut pour preuve l’interview que Takieddine a accordée à l’agence Premières Lignes, trois petits jours avant le débat télévisé l’opposant à Copé, Juppé, Fillon ou NKM en novembre 2016. Installé dans son salon en marbre et dorures, Ziad Takieddine y dévoile comment il a livré, entre 2006 et 2007, trois valises (en cuir marron, avec un zip) contenant 5 millions d’euros à Claude Guéant et Nicolas Sarkozy lui-même, au ministère de l’Intérieur.
« Il dit m’avoir croisé par hasard. Qu’aurait-il fait de cette mallette s’il ne m’avait pas croisé ? », a demandé Nicolas Sarkozy aux juges pour attester de son innocence. « C’est une défense assez classique, réagit Elise Arfi, l’avocate de Ziad Takieddine. Quand on ne sait pas quoi répondre sur le fond, on détourne l’attention sur un détail. Mais ça n’a pas fonctionné car les juges n’ont pas que les déclarations de mon client dans leur dossier… »
Tableaux flamands et enveloppes de liquide
Ouvert en 2013, le dossier judiciaire du financement libyen présumé représente déjà 25 tomes de procédure. Et Elise Arfi a raison : il ne contient pas que les déclarations de son client. Il y a aussi celles d’Abdallah Senoussi, ancien chef des services secrets libyens, qui raconte à peu près la même chose que « Tak ». Et puis un large passage consacré à l’histoire des tableaux flamands de Claude Guéant. Un autre évoquant un coffre-fort à l’agence Opéra de la BNP. Sans parler des enveloppes de liquide qui auraient servi de primes aux salariés de l’UMP en 2007.
Entendu en mai 2017, Eric Woerth a lui-même reconnu leur existence, selon une enquête de France Info, parlant de 30 à 35.000 euros provenant de dons anonymes en liquide déposés au siège de l’UMP. « Avec 35.000 euros, on est loin des 5 millions de Takieddine !, témoigne Philippe Bouchez El Ghozi, l’avocat de Claude Guéant. Mais dans la construction intellectuelle des policiers, cet argent ne peut venir que de Libye ! »
« On en a encore pour quelques années »
C’est notamment pour tenter de le savoir que les deux policiers chargés du dossier à l’office anticorruption ont proposé aux juges, en septembre 2017, de convoquer Nicolas Sarkozy. « Sa garde à vue était donc annoncée depuis plusieurs mois, poursuit Philippe Bouchez El Ghozi. Tout le monde parle de coup d’accélérateur dans le dossier. Je pense, au contraire, qu’on en a encore pour quelques années… »
Largement de quoi organiser une confrontation entre Ziad Takieddine et Nicolas Sarkozy pour savoir lequel des deux ment ? « Je ne crois pas, répond Elise Arfi. Ziad Takieddine a toujours dit la même chose. Nicolas Sarkozy a toujours démenti. Je ne vois pas comment ils pourraient changer de position maintenant. » A moins que les juges ne disposent d’autres éléments permettant de les départager…