Pourquoi le père d'Estelle Mouzin, disparue en 2003, veut que l'enquête soit confiée aux gendarmes de Dijon
ENQUETE•Le père de la fillette, disparue en 2003 alors qu’elle rentrait de l’école, réclame que la PJ de Versailles chargée d’enquêter sur ce dossier soit dessaisie. A ses yeux, ils ont baissé les bras…Caroline Politi
L'essentiel
- Estelle Mouzin a disparu en 2003.
- Le père de la fillette souhaite que la piste Fourniret soit approfondie.
- En première instance, la chambre de l’instruction avait rejeté la demande de dessaisissement.
Un regard neuf pourra-t-il faire avancer un dossier vieux de 15 ans ? C’est en tout cas le pari fait par le père d’Estelle Mouzin, disparue à Guermantes, en Seine-et-Marne, un soir de janvier 2003. Depuis juin 2017, il se bat au côté de ses avocats pour que la PJ de Versailles, le service d’enquête historique, soit dessaisie. « Les enquêteurs ont baissé les bras dans ce dossier, estime l’un de ses conseils, Me Didier Seban. Toutes nos demandes d’investigations restent lettre morte, il n’y a pas de PV de synthèse et lorsqu’on suggère que l’affaire soit passée dans Anacrim [le logiciel à l’origine des avancées sur le dossier Grégory], on nous répond que ça prendra dix ans. » Rejetée en première instance, la requête doit être examinée ce jeudi par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
En quinze ans, les relations entre Eric Mouzin et la PJ de Versailles ont connu bien des hauts et des bas, mais ce sont les différences de lecture du dossier qui ont fini de creuser le fossé. Aux yeux du père de la fillette, la piste Fourniret - condamné en 2008 à la réclusion criminelle à perpétuité pour sept meurtres précédés de viols ou tentatives - n’a pas été suffisamment exploitée. D’où cette volonté de confier les investigations aux gendarmes de la section de recherche de Dijon, qui ont enquêté sur les meurtres de Joanna Parrish et de Marie-Angèle Domèce, qu’a récemment avoué le tueur en série. « Ils connaissent bien le profil de Michel Fourniret, son parcours, ses stratégies de dissimulation. Ce travail a fourni ses fruits dans ces dossiers, leur regard peut être déterminant », espère Didier Seban.
« Nous aussi, on aurait préféré que ce soit lui… »
L’ombre de « l’ogre des Ardennes » a toujours plané dans l’enquête sur la disparition d’Estelle Mouzin. Son épouse et complice, Monique Olivier, a longtemps vécu à Guermantes. En 2015, cette dernière a d’ailleurs été entendue pour avoir suggéré à ses codétenues qu’elle avait fourni un alibi à son mari. L’audition n’a rien donné. De multiples investigations ont été menées pour tenter de vérifier l’alibi du tueur en série : le soir de l’enlèvement, il a passé un coup de téléphone à son fils aîné, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Était-ce un alibi fabriqué de toute pièce, notamment en collant deux combinés ? Pas impossible, mais jamais prouvé. « Dire qu’on a négligé la piste Fourniret est entièrement faux, elle a même été longtemps prioritaire, on s’est attaché à tirer chaque fil mais les éléments ne sont pas concluants », assure une source policière.
Quid alors de ce que les conseils d’Eric Mouzin considèrent désormais comme des « aveux en creux » ? Lors d’une audition début mars, Michel Fourniret n’aurait pas nié être impliqué dans l’enlèvement de la fillette. Des propos à prendre, selon la procureure de Meaux, avec la « plus grande prudence » tant le tueur est connu pour ses manipulations. « Nous aussi, on aurait préféré que ce soit lui, confie cette même source policière, on travaille toujours dessus même si on considère qu’il y a peu de chances que ce soit lui. » En attendant, les enquêteurs s’attachent à « fermer d’autres portes », à l’instar de celle de Nordahl Lelandais, piste récemment écartée. La preuve, selon eux, que l’enquête, qui comporte quelque 90 tomes et 11.000 PV, est loin d’être au point mort.